Les pourparlers entre le gouvernement congolais et le mouvement rebelle du 23 mars (M23) ont débuté dimanche 9 décembre à Munyonyo en Ouganda sous un climat de tension. Le chef de la délégation congolaise, le ministre des Affaires Etrangères Raymond Tshibanda, a qualifié le discours du M23 de « peu courtois et teinté de beaucoup de contre-vérités ». Dans son discours d’ouverture, le mouvement rebelle a estimé que le gouvernement de Kinshasa bloque le processus de retour de la paix dans l’Est de la RDC et s’illustre par des massacres des opposants, des civils et des militaires issus d’anciens groupes armés.
Ces accises ont débuté sur un ton de convivialité. Dans son mot de circonstance, Crispus Kiyonga, ministre ougandais de la Défense, facilitateur délégué de la Conférence internationale de la région de Grands lacs (CIRGL) a défini les règles du jeu qui doivent conduire les discussions.
« Le dialogue qui commence aujourd’hui donne de l’espoir au peuple congolais, au peuple de la région et à la communauté internationale. C’est maintenant une bonne opportunité de trouver une solution politique stable au conflit entre le gouvernement congolais et le M23. J’exhorte les deux délégations à s’engager eux-mêmes pour œuvrer dans l’intérêt du peuple afin de trouver le plus vite possible un compromis », a déclaré le ministre ougandais Crispus Kiyonga.
Prenant à son tour la parole, le ministre congolais Raymond Tshibanda et principal négociateur de la partie congolaise a démontré l’ouverture et la disponibilité du gouvernement à un dialogue constructif.
C’est à l’issue du discours du M23 que la tension a été perceptible dans le chef des deux parties.
François Rucogoza, secrétaire exécutif du mouvement rebelle et ancien ministre provincial de la Justice du Nord-Kivu, a condamné le gouvernement congolais concernant la gestion de la crise de l’Est.
« La situation sécuritaire dans l’Est de notre pays s’explique en partie par le refus du gouvernement central de reconnaître qu’il y a des problèmes internes qu’il faut diagnostiquer et traiter en profondeur. Elle est aussi l’expression d’une conséquence visible d’une mauvaise gouvernance caractérisée par le manque d’un leadership visionnaire », a affirmé François Rucogoza.
Le délégué du M23 a déclaré que le gouvernement congolais entretient des groupes armés pour la déstabilisation de ses voisins citant notamment le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi.
« Notre pays abrite le FNL [Front national de libération] contre le gouvernement du Burundi, les FDLR [Forces démocratiques pour la libération du Rwanda] contre le gouvernement du Rwanda les ADF Nalu et les LRA [Armée de résistance du Seigneur] contre la paix et la prospérité de l’Ouganda», a-t-il indiqué.
François Rucogoza estime que ces groupes armés étrangers constituent des menaces permanentes contre les populations de l’Est de la RDC.
«Lorsqu’il s’agit de ces groupes étrangers, jamais le gouvernement de Kinshasa ne considère la souveraineté nationale en danger. Mais quand les fils et les filles du pays décrient cette situation comme le fait le M23, très rapidement on crie à l’agression et l’agression et on recours à l’arme de la haine ethnique», a-t-il déploré.
François Rucogoza a aussi accusé les FARDC d’avoir massacré quarante-six anciens militaires de l’ex-Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) à Dungu en province Orientale. Il a regretté que l’officier militaire qu’il croit être le commanditaire de ces assassinats ait été promu après son forfait.
De son côté, la partie gouvernementale a jugés ces propos « peu courtois et teinté de beaucoup de contre-vérités ».
Raymond Tshibanda, visiblement fâché, a sollicité du facilitateur la réplique « devant le mêmes médias lundi 10 décembre pour “déballer le M23″ avant de continuer toute discussion.
« On ne peut pas construire sur base de contre-vérités. Aussi, je voudrai dire ceci : avant que nous ne poursuivions les travaux, la délégation de la RDC, tient à faire une déclaration sur le fonds devant les mêmes organes de presse afin de dépeindre la vérité en ce qui concerne le M23. Et ce que le M23 a commis comme crimes dans la province du Nord-Kivu depuis que ce mouvement a commencé. Si cette occasion n’est pas donnée, je ne crois pas qu’il y aura de suite à ces discussions », a déclaré le ministre Raymond Tshibanda.
Rejet des Fonus
Les Forces novatrices pour l’Union et la solidarité (Fonus) ont rejeté les pourparlers de Kampala. Au cours d’un point de presse dimanche à Kinshasa, le secrétaire général de ce parti, Emery Okundji estime que la médiation du président ougandais Museveni n’apportera rien aux parties présentes à Munyonyo en Ouganda.
« Aller chez lui [Yoweri Museveni, président de l’Ouganda] serait cautionné la balkanisation de la RDC. L’opposition a catégoriquement refusé d’aller à Kampala pour cautionner la balkanisation du Congo », a-t-il déclaré.
Selon Emery Okundji, des opposants qui sont à Kampala sont des opposants pro majorité.
« Nous ne sommes pas contre le dialogue et d’ailleurs nous disons que c’est pour résoudre la crise. Au lendemain des élections du 28 novembre 2011, nous avions proposé que tous les acteurs politiques se retrouvent autour d’une table avec des idées novatrices pour résoudre définitivement cette crise. Mais nous ne sommes pas pour la violence, l’agression de notre pays par des pays voisins en l’occurrence le Rwanda et l’Ouganda », a affirmé Emery Okundji.
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