« La République démocratique du Congo doit construire son système de défense », a recommandé mardi 12 juillet Julien Paluku, ancien gouverneur du Nord-Kivu pendant douze ans. Il réagissait à l’occupation par les terroristes du M23 de la cité de Bunagana, dans le territoire de Rutshuru, il y a déjà un mois.
« Dans son discours du 30 juin, le Président de la République, Félix Tshisekedi a appelé à la mobilisation générale pour demander la jeunesse à s’enrôler dans l’armée. [Il a lancé cet appel], parce qu’il a constaté les problèmes (d’effectifs de notre armée) », a déclaré le ministre de l’Industrie, Julien Paluku.
La cité frontalière de Bunagana, occupée par les rebelles du M23 constitue une des principales sources des recettes douanières de la République démocratique du Congo (RDC), au regard de sa position stratégique par rapport au Rwanda et à l’Ouganda.
Pendant ce temps, la première réunion de la commission mixte RDC-Rwanda, prévue le même mardi 12 juillet à Luanda en Angola, est reportée à la dernière semaine du mois de juillet. Ce report fait la suite au décès de l'ancien Chef d'Etat angolais, Eduardo dos Santos.
Pour sa part, le M23 continue à revendiquer des pourparlers avec le gouvernement congolais afin de mettre fin à la crise sécuritaire dans le Nord-Kivu.
L’ancien gouverneur du Nord-Kivu, Julien Paluku, estime que les accords de paix ne suffisent pas pour résoudre le problème comme celui du M23. Ils traduisent plutôt la faiblesse des Etats qui y recourent.
« A mon avis, les accords de paix sont les faits de la faiblesse militaire de l’Etat. Les Etats qui sont militairement forts ne recourent pas aux accords de paix. C’est une interpellation que j’ai toujours faite depuis que j’étais gouverneur », a indiqué le ministre de l’Industrie.
Julien Paluku rappelle que les accords de paix répétitifs que la RDC a signés « depuis la nuit de temps », n’ont jamais amené à résoudre effectivement les problèmes de sécurité.
Le Rwanda et l’Ouganda contre la RDC
Si les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) n’arrivent toujours pas à chasser les terroristes du M23 de Bunagana, un mois après, c’est parce que l’armée fait face à deux armées conventionnelles : l’armée rwandaise et l’armée ougandaise.
« Il semble bien évident que l’armée congolaise n’est pas en mesure de reprendre cette cité pour la bonne et simple raison qu’il y a d’une part, le soutien du Rwanda, et d’autre part, il y a aussi le soutien de l’Ouganda », a déclaré pour sa part Bob Kabamba, professeur à l’Université de Liège en Belgique.
Il se demande à quoi joue l’Ouganda qui soutient les FARDC dans le grand Nord pour traquer les rebelles des ADF, alors que dans le petit Nord, il est aussi impliqué dans ce conflit, à en croire les rapports de la société civile.
« Une solution doit être trouvée »
« Cette situation a trop duré et une solution doit être trouvée au plus vite », a pour sa part recommandé le député provincial de Rutshuru, Emmanuel Ngaruye Muhozi.
Il appelle le gouvernement de tout mettre en œuvre pour que l’armée reprenne Bunagana, pour permettre à la population locale de regagner son milieu.
Selon lui, l’occupation de la cité de Bunagana par les rebelles du M23 a des lourdes conséquences sur le plan humanitaire, économique et sécuritaire.
Emmanuel Ngaruye Muhozi dénonce également la multiplication des exactions perpétrées par les rebelles sur les populations civiles surtout dans toute la partie qu’ils occupent ; notamment dans le groupement de Jomba, Bweza et Kisigari.
« Nous avons déjà enregistré plusieurs personnes tuées par coup de houe, des machettes et d’autres fusillées par ces rebelles. Nous enregistrons presque chaque jour des cas de viols des femmes qui viennent se ravitailler en vivres dans leurs champs », a-t-il déploré.
Emmanuel Ngayure indique que plusieurs personnes sont torturées. Les déplacés vivaient de l’agriculture et toute cette population a fui.
« Sur le plan économique, il n’y a plus rien. Ils viennent de faire quatre mois. Tous ceux-là qui avaient cultivé n’ont même pas sarclé leurs cultures. Nous recommandons au Chef de l’Etat, au gouvernement de savoir que s’ils ont droit de dormir dans leurs maisons, la population de Jomba, de Bweza, de Kisigari, de Busanza a aussi droit de dormir dans leurs maisons paisiblement. C’est vraiment un droit de tout Congolais », a poursuivi le député.
Il invite le Président de la République Félix Tshisekedi et le gouvernement Sama Lukonde à « pousser les FARDC à en découdre avec les agresseurs et les criminels. »
« Nous recommandons d’éviter plusieurs intermédiaires dans les opérations militaire en vue d’empêcher les affairistes de ce secteur de pérenniser ces opérations et d’en faire un business… », a poursuivi M. Ngayure.
C’est depuis fin mars que les terroristes du M23 ont débuté les attaques contre les positions des FARDC dans le territoire de Rutshuru, où ils occupent plusieurs villages ainsi que la cité frontière de Bunagana.