La marche des chrétiens catholiques de Kinshasa, prévue ce jeudi 16 février, a été dispersée par la police. Trois prêtres et deux religieuses ont été arrêtés par les forces de l’ordre et ils ont été conduits au poste de police du district de la Funa, selon un reporter de Radio Okapi.
Les manifestants qui étaient tout de même parvenus à la paroisse Saint Joseph de Kalamu, lieu de rassemblement où devait partir la marche, ont été bloqués à l’intérieur de l’église par les forces de l’ordre, avant d’être libérés grâce à l’intervention de la Monusco.
Selon Thierry Nlandu, porte-parole du Conseil de l’apostolat des laïcs catholiques du Congo (CALCC) qui organisait la marche, cette manifestation visait à exprimer le rejet des résultats des élections du 28 novembre 2011 et à exiger la démission du bureau de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni).
Les fidèles de l’Eglise catholique ont bradé l’interdiction de la marche décidée la veille par le gouverneur de la ville province de Kinshasa, André Kimbuta Yango.
Ils sont partis de leurs paroisses respectives après la messe de six heures, mais un impressionnant dispositif policier a été déployé dans différents coins de la capitale. La police a dispersé des groupes de manifestants à coup de gaz lacrymogène.
Une partie d’entre eux, qui avaient réussi à arriver à la paroisse Saint Joseph de Kalamu, s’y sont retrouvés bloqués, la police ayant bloqué toutes les issues.
Dans quelques paroisses de Kinshasa où les chrétiens attendaient le coup d’envoi de la marche, le dispositif de la police été déployé.
A la Paroisse Saint-Raphaël, commune de Limete, les chrétiens n’ont pas effectué une longue distance et ils étaient dispersés par la police sous le coup de gaz lacrymogènes.
Les agenst de l’ordre ont agi de la même façon à la Paroisse Saint Gabriel, commune de Kalamu, pour contraindre les fidèles à vider l’enceinte de la paroisse.
A Saint-Augustin, commune de Lemba, des témoins indiquent que des jeunes sportifs de Lemba ont tabassé des fideles réunis en prière, avant d’être disperses par la police.
La même source indique qu’un jeune chrétien qui a tenté d’escalader la clôture pour éviter d’être tabassé se serait fracturé le bras.
Les membres de la section des droits de l’Homme de la Monusco ont ensuite réussi à obtenir de la police la libération des chrétiens bloqués dans cette église.
Les défenseurs de droits de l’homme congolais ont assisté à la répression de la marche des chrétiens à Kinshasa. L’ONG Les Amis de Nelson Mandela dit être contre cette répression faite par la police nationale qui, selon elle, a agi avec brutalité.
Pour cette Ong, la police devait plutôt encadrer les manifestants au lieu de les réprimer comme recommande un des principes des Nations unies.
Cette marche des chrétiens commémorait aussi le 20e anniversaire de la repression sanglante des chrétiens qui avaient manifesté en 1992 pour réclamer la réouverture des travaux de la Conférence nationale souveraine (CNS) et l’instauration de la démocratie dans le pays.
Du coté de la police, le commissaire général, Charles Bisengimana, a affirmé que la police était dans l’obligation d’empêcher cette marche puisqu’elle était interdite par les autorités de la ville.
Pour ce qui est de la répression, le général Bisengimana a rejeté en bloc toutes les accusations de violences portées contre la police.
Selon lui, l’usage du gaz lacrymogène à Matonge se justifie par le fait que la police voulait disperser les militants de l’UDPS qui tentaient de se joindre aux chrétiens.
Des messes organisées à Mbuji-Mayi
Pour commémorer la journée du 16 février 1992, le diocèse de Mbuji-Mayi (Kasaï-Oriental) a annoncé, ce jeudi 16 février, l’organisation des messes dans toutes les paroisses locales.
Le vicaire judiciaire, l’abbé François Lukumuna, a précisé que le diocèse de Mbuji-Mayi n’a pas planifié une grande marche comme à Kinshasa mais « beaucoup d’autres choses au niveau local afin de protester énergiquement contre la fraude électorale ».
«Nous-mêmes, au diocèse de Mbuji-Mayi, nous rejetons les résultats publiés par la Ceni et nous exigeons la vérité des urnes», a-t-il déclaré.
L’abbé François Lukumuna a indiqué qu’à cette occasion, l’église appuiera la demande de démission du bureau de la Ceni qui, selon elle, n’a pas respecté la volonté du peuple.
Intervenant, ce matin, au cours du journal parlé de la radio catholique Fraternité, le chancelier intérimaire du diocèse de Mbuji-Mayi a, par ailleurs, souhaité que toutes les églises du Congo puissent commémorer « les martyrs de la démocratie » (NDLR : ceux qui étaient décédés lors de la marche du 16 février 1992).
Selon des témoins, depuis la dernière prise de position des évêques du Congo sur les résultats des élections de novembre 2011, l’église catholique de Mbuji-Mayi fait retentir la cloche chaque jour et à une certaine heure.
Pas d’unanimité
L’évêque de Butembo-Beni et administrateur apostolique de Kasongo, Monseigneur Melchisedek Sikuli Paluku, a rejeté l’idée d’organiser de telles manifestations.
Dans un communiqué pastoral datant du mercredi 15 février, il interdit cette marche aux fidèles catholiques, estimant que l’initiative de cette activité n’émanait pas de la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco).
Edouard Tambwe, un abbé de Kasongo, a déclaré à Radio Okapi:
«Nous voulons porter à la connaissance de tous, les précisions suivantes : ce qui se préparait n’est pas l’initiative de la Cenco. Le contexte actuel nous invite actuellement à une grande prudence et à éviter toute action pouvant entrainer des conséquences fâcheuses. Nous avons besoins d’autres choses que des marches et manifestations qui ne peuvent qu’aggraver notre situation. Monseigneur-évêque insiste sur le fait que ce qui se prépare à Kinshasa ou ailleurs ne vient pas du sommet ou de la hiérarchie de l’église catholique du Congo, la conférence des évêques.»
Lire aussi sur radiookapi.net: