Quinze personnes sont mortes, plusieurs autres avaient été blessées, des centaines de personnes portées disparues et des dégâts matériels importants, ont été enregistrés lors de l’attaque armée de la localité de Kipupu, au Sud-Kivu, dans la nuit du 16 Juillet dernier. Ce bilan a été livré par le président de la société civile du secteur d'Itombwe, Jean Abakwa, mercredi 29 juillet à la délégation mixte gouvernement provincial, FARDC, MONUSCO et société civile, par la population de Kipupu, témoins et victimes des évènements survenus il y a deux semaines.
Jean Abakwa a expliqué à la délégation, conduite par le ministre provincial de l'intérieur ce mercredi à Kipupu, en territoire de Mwenga le déroulement de cette scène macabre :
« C’était vers 5h00’du matin. On a entendu des coups de balle en plein village, on voyait aussi des maisons brulées et la population a fui en brousse en débandade. Et quand on est sorti vers 15h, on a trouvé huit cadavres tués par machettes et par balle, sept personnes calcinées et onze blessés et 250 personnes portées disparues ».
Sur place, la communauté réclame le retour des FARDC dans la région. Le chef de sous-bureau de la MONUSCO à Uvira, Abdourahamane Ganda rassure la population :
« Nous y étions et nous avions quitté en Mars dernier parce que l’évaluation avec la population avait montré qu’il n’y avait plus de menaces. Nous allons travailler avec les FARDC pour sécuriser davantage la zone. Nous sommes là pour sécuriser tous les Congolais et nous allons continuer à le faire ».
Le ministre provincial de l'intérieur du Sud-Kivu, Lwabanji Lwasi Ngabo compatit avec les habitants de Kipupu. Le gouvernement provincial fera de son mieux pour le maintien des FARDC et un déploiement de la police à Kipupu. Il appelle la population de la zone des Hauts Plateaux d'Itombwe à ne pas perpétrer le cycle des violences par des représailles.
Plusieurs communautés vivent dans cette cité de Kipupu, secteur d’Itombwe, territoire de Mwenga
Kipupu est une cité avec près de 4 mille habitants. Sur le plan administratif, Kipupu est le chef-lieu du secteur d’Itombwe dans le territoire de Mwenga. Le bembe constitue la principale communauté habitant la cité de Kipupu. D’autres communautés locales y vivent notamment Banyamulenge, Bafuliiru, Banyindu et Barega disséminés dans les grands villages comme Miki, Tulambo, Mikenge et Kalingi.
Presque toutes les grandes rivières du Kivu prennent leurs sources dans cette région des hauts plateaux d’Itombwe. L’histoire de Kipupu est aussi rattachée à des différents mouvements rebelles notamment les mulelistes juste après l’indépendance du pays entre 1965-70. Les premières hostilités intercommunautaires ont été observées dans les années 1970. Elles vont s’exacerber avec l’entrée de l’AFDL en 1996-98.
En 2017, la zone replonge dans la turbulence. Chaque communauté fait recours aux armes pour trouver des solutions au problème identitaire, à la gestion de terre et de redevance pour les pâturages ainsi que la gestion des ressources locales notamment les taxes au marché des vaches.
Dans ce bras de fer, chaque communauté recourt à un groupe armé pour défendre ses intérêts. Parmi les plus virulents, l’on site Biloze bishambuke, mulumba, Yakutumba, Gumino, twirwaneho, etc, des groupes dont la signification dans les langues locales est de fois porteur de messages d’extrémisme.
Certains parmi ces groupes font des coalitions avec des groupes armés étrangers d’origine burundaise et rwandaise comme le FNL , FOREBU, CNRD et FDLR.
Entre 2018-et 2019, plusieurs affrontements entre ces différents groupes armés vont être signalés causant des dégâts à grande échelle, notamment le vol de bétails, l’incendie des maisons et villages entiers, ainsi que des tueries et déplacement massif des populations.
Parmi ces attaques meurtrières, il y a celle de Tulonge au mois de septembre 2019 et Kalingi en 2020 et récemment celle de Kipupu la nuit du 16 au 17 juillet 2020.
Situation socioéconomique et humanitaire alarmante dans les moyens et hauts plateaxu de Uvira - Fizi
Selon plusieurs rapports d’ong locales, ainsi que des rapports issus des séminaires intercommunautaires publiés entre 2019 et 2020, les différents groupes armés ont été à l’origine de graves violations des droits de l’homme dans la cette zone.
Les acteurs locaux citent des cas de morts d’hommes, des déplacements massifs des populations, des pillages systématiques des biens dont les vaches, chèvres et autres, l’incendie et la destruction méchantes des maisons, et des structures sanitaires, des écoles et de bâtiments administratifs et d’églises. Le secteur d’Itombwe abrite un camp de 2500 déplacés internes à Mikenge. Ces personnes venues de plusieurs villages incendiés ont trouvé refuge près d’une base opérationnelle de la MONUSCO pour leur sécurité. D’autres milliers de personnes déplacées internes sont localisées à Bijombo, dans les hauts plateaux du territoire d’Uvira, composés des communautés ayant fui des groupes armés locaux. Jusqu’en février 2020, d’après le bourgmestre de la commune rurale de Minembwe en territoire de Fizi, les personnes déplacées internes à Madegu se comptaient à plusieurs milliers. Certains ont été obligés de quitter leur zone d’accueil pour d’ autres région plus stables. Partout à Mikenge, à Bijombo comme à Madegu, le déplacement de ces déplacés internes est limité au camp à côté de la MONUSCO, une situation selon le president des déplacés de Mikenge, Yoshua Basanda les expose à la famine. Mikenge regorge plus de 3000 déplacés tandis que Bijombo heberge plus de 2000 personnes.
Côté sanitaire, le médecin directeur de l’hôpital de Minembwe, docteur Kinyungu Réné, déplore l’absence d’une prise en charge médicale adequate et la vaccination dans la région de Rugezi, Kitumba et Nonjwa au nord de Minembwe. Le problème d’accessibilité mais aussi de la présence des groupes armés et des conflits ethniques provoquent la division entre les communautés locales. Plusieurs structures sanitaires ont été détruites pendant cette crise et nécessitent une reconstruction totale, souligne Dr Kinyungu.
En 2019, le coordinateur humanitaire David McLACHALAN-KARR avait visité la municipalité de Minembwe en vue de mobiliser le monde humanitaire. Mais l’enclavement de la région, l’activisme des groupes armés notamment limitent l’ assistances à certaines personnes vulnérables, soulignes certaines ong locales. Pour l’instant, selon ces ong, l’attention de la communauté humanitaires est plus que nécessaire vers cette région pour la stabilisation.