Dans une lettre ouverte, la troisième du genre, adressée au président Joseph Kabila en sa qualité d'autorité morale de la Majorité présidentielle, sept partis de la Majorité Présidentielle lui demande de prendre des mesures courageuses pour assurer l’alternance démocratique en 2016. Kyungu wa Kumwanza, président de l’Union nationale des fédéralistes du Congo (Unafec), est l’un des signataires de cette lettre ouverte. Il a accepté d’en commenter le contenu. Interview
Gabriel Kyungu wa kumwaza, bonjour. Quelles sont les motivations qui poussent les sept partis de la Majorité Présidentielle à rédiger cette troisième correspondance au Président de la République?
Le patriotisme. Nous ne pouvons pas rester indifférent quand on constate que l'édifice risque de s'écrouler. C'est par patriotisme que nous alertons les décideurs afin qu'ils se resaisissent pour que nous n'allions pas dans l'abîme.
Qu'est-ce que vous avez constaté vous les sept partis de la Majorité Présidentielle?
Nous constatons que maintenant nous tendons vers les anciennes mauvaises habitudes de vouloir trouver parmi nous des hommes providentiels, des hommes miracles au détriment des institutions pourtant mises en place de commun accord par référendum. La tendance actuelle pour se faire aimer ou se faire remarquer, le langage du MPR [parti unique créé par le président Mobutu, NDLR] reprend. D'ici là, on va assister aux chansons telles que Djalelo tout simplement parce qu'on a tendance à éviter et combattre notre propre constitution.
Le point 13 de votre déclaration au président stipule: "la gravité de la situation et les risques qu'elle fait peser sur l'avenir de la RDC appelle des initiatives courageuses aussi bien de votre part que celles de la Majorité Présidentielle." Quelles sont ces initiatives?
Notamment notre lettre que nous adressons à l'autorité morale de la Majorité et à tous les membres du comité du bureau politique de la Majorité pour nous ressaissir. Dans cette lettre, nous relèvons des faits qui risquent de faire derailler le train notamment cette histoire en vogue de glissement. ça c'est dangereux. Nous avons combattu la dictature dans ce pays, nous ne pourrons plus jamais accepter qu'il y ait des vélleités dictatoriales à travers certaines décisions et certains faits qui nous inquiètent.
Parmi les voies de sortie à la crise qui guette déjà la RDC, vous proposez notamment qu'on se limite à l'organisation des élections présidentielle, législatives, sénatoriales et provinciales sur base d'un fichier révisé. Mais au point 22 de votre lettre vous dites: "La Majorité Présidentielle devra s'atteler à préparer en toute sérénité et conformément à sa charte, les prochaines élections dans la perspective de l'alternance politique. " Que sous-entendez-vous? La Majorité devrait-elle se trouver un autre candidat en dehors de Joseph Kabila pour 2016?
Pourquoi pas? Pourquoi ça doit être un tabou que de parler de l'alternance pourtant c'est consacré dans la constitution? Nous ne pouvons pas chercher à inventer la roue. La constitution est claire: vous avez deux mandants, après vous emballez. Il faut maintenant à ce moment là préparer l'alternance d'autant plus que nous avons fait remarquer dans la lettre que nous de la Majorité, nous pouvons nous ressaisir, organiser ces élections et les gagner sans chercher des subterfuges du genre: "nous ne sommes pas encore rassasiés de vous". ça non. Nous devons tout simplement rester calmes et préparer les élections dans le cadre de la constitution qui consacre l'alternance. Nous ne pouvons pas voir les choses autrement. C'est de l'aventure.
Et donc au sein de la Majorité, il y a beaucoup d'autres candidats potentiels qui peuvent exercer le rôle de président de la République.
Chaque chose en son temps. Nous devons mettre le climat au sein de la Majorité. Vous allez voir les choses vont aller de soi, il y aura des vocations qui vont s'exprimer.
Vous affirmez aussi que la stratégie actuelle de la Majorité est suicidaire. Vous voulez parler de glissement?
Justement. Où est-ce qu'on va? Vous avez vu vous-mêmes les événements du mois de janvier. La jeunesse de notre pays et les Congolais en général ne veulent plus rentrer dans les méthodes caporalistes pour s'imposer et rester éternellement au pouvoir. Les gens n'en veulent plus. Et nous ne voulons pas vivre la situation du Burkinafaso. Nous ne voulons pas des troubles. C'est pourquoi nous disons: "préparons l'alternance dans la paix, dans la tranquilité, dans le calme pour connaître des élections apaisées et honnêtes".
Quelles réponses le Chef de l'Etat a-t-il réservées à vos deux précédentes lettres parce que celle-ci est la troisième? Est-ce qu'il vous entend?
Oui, c'est notre modeste contribution. Le Chef de l'Etat cherche que chacun mette la main à la pâte, c.à.d. donne ses idées. Et nous, nos idées nous les puisons dans la constitution. Et nous donnons notre modeste contribution telle que demandée par le Chef de l'Etat lui-même parce que nous avons été consultés pour ça en rapport avec un éventuel dialogue.
L'actualité, c'est aussi l'arrêt de la Cour constitutionnelle. Et vous n'êtes pas du tout d'accord avec ce texte
Nous l'avons dit et nous avons épinglé le danger de la désacralisation de nos institutions. Parce que quand vous créez une histoire comme la Cour constitutionnelle, c'est quelque chose de sacré. Alors quand vous lui imposez des matières, ça risque de dérayer cette institution à peine mise en place. Nous l'avons constaté et souligné: la décision que la Cour constitutionnelle a prise a énervé la constitution.
Ne redoutez-vous pas d'être exclu de la Majorité Présidentielle?
Evitons de procès d'intention. Nous avons fait notre devoir constitutionnel, nous ne sommes pas les membres du bureau politique pour rigoler. Nous sommes membres du bureau politique pour assister et aider le chef de la Majorité, notre autorité morale à se ressaisir et à garder l'église au milieu du village qu'est la Majorité Présidentielle.
Comment entrevoyez-vous l'avenir du processus électoral en RDC?
Dans notre groupe, nous restons sereins. Et nous demandons aux uns et autres d'éviter, surtout d'extirper de la classe politique les hypocrisies et autres fumisteries en cherchant des mots et des actes qui risquent de tout abîmer. Nous sommes conscients, nous sommes optimistes, les choses se passeront telles que la constitution a prévu.
Interview réalisée par Alain Irung