Hérita Ilunga: «Je pense que le premier problème de notre football, c’est la formation»

Dans une interview exclusive à radiookapi.net, jeudi 25 novembre, le footballeur international congolais, Hérita Ilunga, tire lui aussi les leçons de la débâcle des Léopards seniors face à leurs homologues du Mali en match amical en France (1-3). Pour lui, l’absence du ministre de Sports ou du président de la Fécofa à cette rencontre ne peut servir d’alibi à certains joueurs pour quitter la sélection nationale. Hérita Ilunga parle de maux qui rongent le football congolais et de l’avancement de son projet de formation sportive «Bana Foot Institute (BFI).» Intégralité.

Radio Okapi: Hérita Ilunga, vous évoluez maintenant à West Ham dans le championnat anglais de football. Comment ça se passe pour vous là-bas ?

Herita Ilunga: Je suis dans le club de West Ham, où c’est clair que le début du championnat nous est un peu difficile pour ne pas dire pénible. Nous sommes dernier du championnat. Et vu les joueurs qui composent l’effectif, ce n’était pas notre objectif mais le football, c’est parfois ainsi, ce n’est pas une science exacte. Nous nous attachons à rectifier tout ça et pourquoi pas vivre des jours meilleurs à l’avenir.

RO: Mais nous avons vu le club se ressaisir sur ces trois derniers matchs avant de rechuter devant Liverpool le week-end dernier.

HI: Exactement. On n’avait très envie de démontrer notre solidité défensive. Parce que c’était le secteur où on péchait depuis le début de saison et on a fait, comme vous le rappeliez à juste titre, trois matchs sans défaite. Mais vous savez quand vous ne gagnez pas, vous n’avancez pas énormément. On voit l’évolution qui a été faite au niveau des matchs et des entraînements. Mais, il nous manque un petit déclic qui pourrait transformer nos matchs nuls en victoires, qui nous ferait énormément du poids au point de vue comptable.

RO: Et l’ambiance dans les vestiaires, ça va, ça tient encore la route ?

HI: C’est clair que ce n’est pas la fête non plus. Mais nous sommes mobilisés  et unis, c’est le plus important. Il y a des échéances qui arrivent. Il y a le match de Wigan à domicile ce  week-end. C’est presque une finale pour nous, vu que Wigan est plus ou moins dans la même situation que nous. La victoire sera plus que primordiale.

RO: On va parler de l’équipe nationale congolaise. Comment vous vivez cette période assez difficile que traversent les Léopards ?

HI: Difficile, oui et non. J’aurais pu vous répondre totalement oui après le premier match qualificatif contre le Sénégal, après cette déconvenue. Mais, on a vu les énormes progrès qui ont été réalisés à tous les niveaux. Le premier niveau, c’est sur le terrain. Il n’était pas facile d’aller chercher ce point du match nul au Cameroun. Il nous a fallu chercher au-delà de nos limites. C’est vrai que ce n’est pas une fin en soi, ce match nul. Mais, à partir de ce match-là, on a vu qu’on a pu voir qu’on pouvait  bâtir quelque chose. Sinon, ça ne s’arrête pas là. On peut espérer qu’on puisse enchaîner après ce point obtenu à Garoua.

RO: Mais, vous n’avez pas gardé le rythme face au Mali, par exemple. C’était un match  amical, c’est vrai, mais la RDC n’a pas gardé le bon rythme…

HI: Oui, c’était intéressant de  pouvoir faire un autre match, il y avait une date Fifa. Et à chaque fois qu’il y a une date Fifa, c’est clair qu’il faut profiter pour peaufiner un peu les automatismes de notre équipe nationale. Mais, le problème est que le match est tombé en pleine semaine, qui est entourée de deux matches de championnat et il n’est pas évident que tout le monde soit libre, en bonne santé et performant pour ces matches internationaux. Le match du Mali était l’occasion de voir d’autres joueurs, de tourner l’effectif on a quand même pas mal de joueurs. De ce point de vue là,  on a quand même fait ce que le sélectionneur avait prévu. Maintenant coté résultat, c’est un petit coup d’arrêt. Mais, le plus important ce sont les qualifications et il faut rester mobilisé sur la qualification à cette Can 2012.

RO: Il était prévu, Heita Ilunga, avant ce match, une rencontre entre tous les joueurs congolais qui évoluent dans différents championnats dans le monde. Elle s’est tenue sans la présence des dirigeants. Et d’après les infos dont nous disposons, vous auriez poussé un coup de gueule. Vous le confirmez ?

HI: Oui, mais je n’étais pas le seul. C’est clair que c’était une déception. L’idée de cette réunion avait été lancée par le ministre de Sports et le président de la fédération, Constant Omari. Ne pas les voir présents, c’était décevant! Sur le coup, j’étais énervé et agacé. Je ne connaissais pas les raisons de cette absence. Mais après, quand j’ai parlé avec le président Omari qui m’a dit le pourquoi et le comment, (NDLR: j’ai réalisé que) c’était des raisons valables. Il n’y a plus eu de souci. La réunion s’est tenue malheureusement sans eux et des choses ont été dites.

RO: Ça veut dire que vous et certains de vos amis qui étaient à la réunion, vous poursuivez sans problème avec l’équipe nationale et il n’y a pas ceux qui ont dit qu’ils allaient arrêter ?

HI: Non! Non! Non! Heureusement vous êtes quand même des professionnels qui vérifiaient vos informations. Rien de tel n’a été dit dans cette réunion. Ce n’était pas le but d’ailleurs. L’absence du ministre ou du président de la fédération ne peut être la raison pour laquelle certains joueurs, dont moi, auraient arrêté la sélection. La sélection c’est tellement grand, tellement important, qu’on n’arrête à cause des choses comme celles-là.

RO: Malgré tout le potentiel que compte la RDC,  Herita Ilunga, avec le regard que vous portez de l’intérieur et même de l’extérieur, qu’est-ce qui manque  finalement à cette équipe pour qu’elle puisse décoller et se mettre au même diapason que les grandes sélections africaines ?

HI: Je pense que le premier problème de notre  football, c’est la formation. Il faut commencer à travailler à la source, comme on dit. On  voit aujourd’hui que les grandes nations (NDLR: de football africain), comme le Ghana, la Cote d’ivoire ou le Cameroun, sont dotées de bonnes écoles de football. On voit des générations qui grandissent ensemble et qui arrivent à l’équipe nationale et qui se connaissent depuis pas mal de temps. C’est là que nous péchons actuellement. Du point de vue de notre équipe nationale, on sent qu’on n’a pas de noyau et souvent le groupe change. C’est clair que pour évoluer et pour grandir ensemble c’est parfois compliqué.

RO: Vous parlez du football des jeunes… vous avez initié un projet dans le pays plus précisément à Kinshasa, c’est le projet Bana Foot. Quelques mois après son lancement depuis le mois de septembre, où en est-on ?

HI: Le projet Bana Foot Institute (BFI) que j’avais présenté à Kinshasa avance. On travaille. C’est un gros projet, qui est lourd et j’essaie de partager les tâches avec mes collaborateurs. Mais, ce n’est pas facile de travailler à distance. L’actualité, c’est qu’on poursuit et on affine les relations de partenariat  en matière sportive. On rencontre des dirigeants des clubs. Ils vont être très importants. Leur point de vue sur le projet sera primordial, puisque nous voulons amener cette qualité sportive-là au Congo. Nous sommes aussi à la recherche des partenaires financiers. C’est clair qu’avec un dossier de ce genre, on a besoin de coups de pousse de tout le monde. Il y a aussi ça. Nous avons désormais une assise juridique sous forme  d’association. C’est toujours dans le même ordre. On essaie de travailler un peu sur pas mal de dossiers. Nous avons lancé le site pour avoir justement une présence physique pour les personnes qui voudraient avoir des renseignements en temps réel sur BFI. Voilà ce qu’il en est de l’actualité de BFI.

RO: Vous attendiez de l’Etat congolais un lopin de terre. Est-ce que vous l’avez déjà?

HI: Nous travaillons avec l’Etat par le biais de ministres de Sports et de l’Education. Nous continuons à travailler. Ce n’est pas facile, mais ça évolue. Les choses vont comme nous l’avions souhaité.