Justice : les magistrats réclament des meilleures conditions de vie et de travail

Préstation de serment des Haut magistrats de la République

Préstation de serment des Haut magistrats de la République

Pour lutter efficacement contre les pratiques de corruption dans les milieux judiciaires en République Démocratique du Congo, il faut améliorer les conditions de travail et de vie des magistrats. C’est la conclusion à laquelle sont parvenus une centaine des membres de la magistrature congolaise au cours d’un séminaire qui les a réunis pendant cinq jours à Kinshasa, rapporte radiookapi.net

Ils étaient au total quatre-vingt-dix magistrats venus de plusieurs provinces du pays. Ils ont unanimement décrié la corruption qui gangrène l’appareil judiciaire congolais. A l’issue des travaux, ils ont mis en place un plan stratégique pour redynamiser leur corporation. Entre-temps, les magistrats congolais, au cours de la même rencontre, ont souligné la nécessité pour les autres institutions de la République, en l’occurrence les pouvoirs législatif et exécutif, d’améliorer l’environnement général et leurs conditions de vie et de travail. Car leur rendement en dépend. C’est ce qu’a expliqué le secrétaire permanent du Conseil supérieur de la magistrature, M. Ubulu Pungu. « La population est lassée de voir les magistrats s’adonner à cette pratique honteuse [ndlr, la corruption]… et la manière de résoudre ce problème : il y a tout un environnement, tout un processus pour arriver à asseoir l’autorité du Conseil supérieur de la magistrature. S’occuper de la gestion du magistrat, de façon à l’amener de cesser avec ces pratiques et de rendre la justice que la population attend de lui », a laissé entendre la même personnalité.

La purge de Joseph Kabila

Le séminaire des magistrats congolais à Kinshasa intervient, en fait, deux mois après la purge opérée par le président de la République, Joseph Kabila, au sein de l’appareil judiciaire en juillet dernier. L’on se rappellera ici que, à l’occasion de la commémoration du 49e anniversaire du pays à sa souveraineté nationale et internationale, Joseph Kabila, avait, dans un message de circonstance à la nation, fustigé la magistrature congolaise. Une magistrature caractérisée, selon ses propres termes, par la corruption, la concussion et des infractions de droit commun dans le chef de certains de ses animateurs. « Abusant de l’indépendance liée pourtant à la délicatesse et à la noblesse de sa charge, le magistrat se rend lui aussi coupable de dole, de concussion, de corruption et voire même des infractions de droit commun, avec une facilité déconcertante », avait notamment décrié le chef de l’Etat, non sans promettre de prendre ses propres responsabilités pour « mettre fin à cet état de choses ».

Deux semaines plus tard ou presque, Joseph kabila est passé à l’acte en procédant à une grande purge au sein de l’appareil judiciaire congolais. Il a déchargé au total 165 magistrats aux termes d’une série d’ordonnances rendues publiques sur la radio télévision nationale. Parmi eux figuraient des révoqués, près d’une centaine, dont des présidents des cours d’appel, des retraités (50) dont le président et des conseillers de la Cour suprême de justice, ainsi que 16 démissions d’office. Des mesures qui visaient l’assainissement du secteur de la justice et de mettre en ordre de bataille la magistrature congolaise pour lutter contre la corruption, s’était justifié le ministre de la Justice, Christophe Luzolo Bambi Lesa, au lendemain de la publication des ordonnances présidentielles. Il était donc temps, avait ajouté encore le ministre de la Justice, de mettre fin à une justice à deux vitesses, celle qui ne place en mileux de détention que les personnes démunies. Et selon le même ministre qui avait également annoncé, à l’occasion, la décision du gouvernement de recruter 500 nouveaux magistrats, les mesures du chef de l’Etat avaient été arrêtées au cours d’une réunion du Conseil supérieur de la magistrature qui s’était tenue du 11 au 23 juin, réunion dont les conclusions devraient servir de référence à Joseph Kabila, il l’avait dit lui-même dans son message du 30 juin, pour prendre les décisions d’assainissement nécessaires au sein de la magistrature congolaise.

Décisions saluées par l’opinon générale

Mais un membre de la Cour suprême d’alors qui avait pris part à ces travaux avait contredit l’affirmation du ministre Luzolo, indiquant que la liste des magistrats frappés par les ordonnances du chef de l’Etat n’avait jamais fait l’objet d’un débat au cours de cette rencontre. Position soutenue aussi en son temps par le Synamac (Syndicat national des magistrats du Congo) dont le président, Samuel Sambayi, avait déclaré que les ordonnances présidentielles avaient violé les textes, en ce qu’il n’a pas été donné l’occasion aux personnes accusées de corruption et d’auttres maux stigmatisés par le président de la République, de présenter au préalable leurs moyens de défense. Par ailleurs, pour le président du Synamac, des pistes de solutions pour que la justice congolaise soit bien administrée en RDC avaient déjà été avancées, mais que rien n’avait été fait jusqu’à la publication des ordonnances du chef de l’Etat le 15 juillet.

N’empêche. Dans l’ensemble l’opinon générale en RDC avait salué la sanction présidentielle dans l’appareil judiciaire. La plupart des ONG, ntaionales, notamment, avaient félicité le président Joseph Kabila pour avoir pris des mesures qui tombaient « à point nommé ». « Les ONG des droits de l’homme ont toujours dénoncé les maux qui rongent la magistrature congolaise. Les jugements se font à la tête du client », avait commenté Jérôme Bonso, président de la Linelit (Ligue national pour les élections libres et transparentes).

L’histoire des 315

Cette purge n’est pourtant pas la premère dans l’histoire de la justice congolaise. Près de onze ans plus tôt, en 1998, sous le règne de Kabila père (feu Mzee Laurent-Désiré Kabila), un vent similaire avait déjà balayé dans la cour des hommes de droit où 315 d’entre eux avaient été révoqués par le tombeur de Mobutu, pour les mêmes raisons de corruption et de concussion. Comme dans le cas des ordonnances de Joseph Kabila, certaines voix s’étaient élevées pour dénoncer le caractère illégal de la décision. Les révoqués eux-mêmes s’étaient constitués en plate-forme pour défendre leur cause, en suivant la procédure judiciaire. Et cinq ans plus tard, en 2 003, certainement aussi à la faveur de la détente politique créée par la mise en place des institutions de la transition issues du Dialogue inter Congolais de Sun City, en Afrique du Sud, les 315 magistrats avaient finalement été réhabilités dans leurs fonctions à la suite d’un arrêt de la Cour suprême de justice. La haute cour du pays avait estimé que la procédure en la matière n’vait pas été respectée dans leur révocation. L’histoire se répètera-t-elle avec les 165 magistrats révoqués ou démis sous le règne de Kabila fils ?
Rien n’est moins sur, estiment nombre d’observateurs. Pour ces observateurs, le contexte politique et la détermination dont fait montre Joseph Kabila, qui fonde laa réusssite de son programme politique sur la réforme de l’appareil judiciaire (il a lancé «Tolérance zéro», un programme qui vise à mettre fin à l’impunité en RDC dans tous les secteurs), indiquent que le tout premier président élu de la 3e République ne cédera pas.

Le credo du Synamacrn rnAccusés de tous les maux, les magistrats congolais ont recconu en fait les griefs qui leur sont reprochés au cours du séminaire qui a réuni dans la semaine une centaine d’entre eux dans la capitale congolaise. Mais, depuis toujours, leur credo, celui du Synamac, leur organisation syndicale, est le même : la révendication des meilleures conditions de vie et de travail et l’indépendance de leur profession. C’est ce qu’ils ont réaffirmé au cours de la dernière rencontre à Kinshasa, où, tout en reconnaissant les maux qui rongent la magistrature congolaise et la nécessité de les combattre, ils sont revenus sur le même credo. « Réagissant au discours du chef de l’Rtat du 30 juin, nous avions dit que tout en étant d’accord avec lui, nous avions prévenu que la révocation seule ne suffit pas. Au-delà de la révocation, il faut que l’on puisse repenser profondément le véritable problème d’ordre social et professionnel qui se pose au sein de la magistrature et y remédier », avait déclaré le président du Synamac. En d’autres termes, comme l’avait conclu la même source, il s’agit de l’amélioration des conditions salariales, techniques et professionnelles des magistrats pour concourir à la bonne administration de la Justice à travers tout le pays.