Conseil mondial de l'énergie : « Inga III fournira l’électricité à plusieurs pays d’Afrique en 2020 »

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Ce projet est au centre d’une rencontre d’experts à Londres, sous les auspices du Conseil mondial de l’énergie (CME). Objectif : fournir de l’électricité dans plusieurs pays d’Afrique d’ici 2020. En clair, avec une puissance estimé à 300 000 gigawatts par an, Inga III peut alimenter l’Afrique du Sud, le Nigeria et l’Egypte. Coût de ce grand projet, 80 milliards USD. Comment le financer et réhabiliter le barrage de Inga? C’est à ces questions et à bien d’autres que répond Gerald Doucet, secrétaire général du Conseil mondial de l’énergie et invité de rédaction de radiookapi.net

Radio Okapi : M. Gerald Doucet Bonjour

Gerald Doucet : Bonjour

R O : A quoi fait-on allusion lorsqu’on parle du grand projet Inga au niveau du Conseil mondial de l’énergie ?

G D : Pour nous, il y a d’abord le renouvellement de Inga I et Inga II qui est bien dans les mains de la SNEL (Ndlr : Société nationale d’électricité) et pour lequel il y a le contrat signé avec la Banque mondiale et European Investment bank. Il y a aussi le projet de Inga III dont déjà la compagnie principale est organisée avec des partenaires au Congo, en Angola, en Namibie, au Botswana et en Afrique du Sud. Après tout ça, Grand Inga …, pour lequel actuellement il n’y a pas d’institutions sur place ni d’études de faisabilité. Nous avons beaucoup de choses à faire pour arriver à une décision sur Grand Inga en 2015.

R O : Réaliser ce projet nécessite 80 milliards de dollars américains, sur qui comptez-vous pour le financement ?

G D : Grand Inga , il faut que ce soit plutôt un projet commercial. Bien sûr, les banques comme la Banque mondiale, les banques publiques et les gouvernements seront impliqués. Mais la plupart du financement il faut que ça vienne des sources commerciales, c’est-à-dire qu’il faut organiser ce projet sur un plan de gestion de risques accepté par les marchés.

R O : Vous définissez les axes de distribution de l’énergie notamment à travers l’Afrique du Sud, le Nigeria et l’Egypte. Quels sont les préalables nécessaires au financement pour réaliser ce projet ?

G D : C’est vrai qu’il y a la question d’exporter l’électricité vers l’Angola, la Namibie etc., mais il y est aussi question d’utiliser cette électricité à l’intérieur de la République Démocratique du Congo. Jusqu’au moment où cette question reste ouverte, on n’a pas besoin de considérer les investissements dans la ligne de transmission jusqu’en Afrique du Sud. C’est vrai que l’exportation de l’électricité du Congo de Inga III jusqu’en Afrique du Sud va coûter très cher et en fait va doubler le prix de cette électricité pour les Sud-Africains.

R O : En dépit de ce vaste projet qui concurrence les barrages de trois Gorges de la Chine, le Conseil émet des doutes quant à l’accès réel à l’énergie électrique pour les populations pauvres d’Afrique. Et que faut-il pour que cette énergie profite réellement à ces populations ?

G D : Pour moi, c’est la question clé. Il faut que ce projet soit au profit tout d’abord des citoyens du Congo et des pays voisins. Les pays plus lointains en Afrique comme l’Egypte et le Nigeria, c’est plutôt Grand Inga qui va jouer un rôle. La question principale est d’avancer le projet comme Inga III au profit du citoyen du Congo, Kinshasa bien sûr, Katanga peut-être…., mais s’il reste d’électricité qui n’est pas utilisée, elle sera exportée vers les pays voisins qui sont quand même des partenaires de la SNEL, dans le projet Inga III.

R O : Le Conseil mondial de l’énergie évoque des erreurs commises dans le passé quant à la réalisation d’un tel projet. De quelle nature sont ces erreurs et comment comptez-vous y remédier?

G D : C’est la raison pour laquelle pendant cette rencontre à Londres on a invité les gens de Itaipu au Brésil, parce qu’ils ont investi énormément dans les problèmes de la société civile, dans les problèmes écologiques et de transfert des technologies. On a invité aussi les experts sur le grand projet de la rivière Mékong au Laos et de Gençay au Québec ainsi que ceux de Trois Gorges en Chine. C’est vrai qu’en partie dans ce grand projet on s’est trompé sur les problèmes sociaux, sur les problèmes d’environnement et sur ceux des citoyens de la région proprement dite. Il faut faire en sorte qu’il ait un meilleur accès à l’électricité produite pour les citoyens dans la région de la production. Cela veut dire qu’il faut connecter les villages de la région d’Inga et amener l’électricité dans les grandes villes comme Kinshasa, par exemple. Pour ce, la participation du CME (Conseil mondial de l’énergie) et workshop est basée premièrement sur le principe d’amélioration de l’accès des populations du Congo et des pays voisins à l’électricité.

R O : L’idée de ce projet remonte aux années 80, pensez-vous qu’aujourd’hui le climat politique est propice à sa réalisation ?

G D : Quand j’étais à Kinshasa il y a quelques semaines, vous avez signé des accords de paix [Ndlr : il fait certainement allusion à la signature de l’acte d’engagement de Goma en janvier 2008]. C’est important. Deuxièmement, vous avez signé des accords avec les pays voisins sur le développement du projet Inga III. Et troisièmement, il y a un énorme besoin d’énergie électrique. Au Congo actuellement, il n’y a que 8% de foyers qui bénéficient de l’électricité. Alors, il faut améliorer l’accès à l’électricité, il faut plus que tripler ce chiffre. Et enfin en Afrique du Sud, il y a manque d’électricité. Alors, vous avez de la clientèle non seulement au Congo, mais aussi dans les pays voisins pour l’électricité en question. Ce qui rassure les financiers.

R O : Le début en fait de construction n’est prévu qu’en 2014 et peut-être la mise en exécution concrète entre les années 2020 et 2025. Pensez-vous que le monde aura encore besoin de l’énergie hydroélectrique autant qu’aujourd’hui, en cette période, vu l’émergence d’autres sources d’énergie telles l’énergie nucléaire, l’énergie solaire ou encore l’éolienne ?

G D : L’avantage d’Inga c’est que c’est une électricité qui est moins cher que l’énergie nucléaire et moins polluante que les fulls fossiles. Même avec le nucléaire en Afrique du Sud, on peut vendre l’électricité d’Inga moins cher que l’énergie nucléaire ou celle produite par le charbon. A mon avis, il faut agir maintenant pour réaliser le projet d’Inga III en 2015. Pour ça, il faut des décisions maintenant. C’est pourquoi je retourne à Kinshasa dans les semaines qui viennent pour rencontrer le ministre congolais de l’Energie et le PDG de la SNEL pour avancer sur ce projet ensemble.

R O : Monsieur Gerald Doucet, je vous remercie.

G D : Merci beaucoup et à bientôt.