Nos organisations, alertées des pressions exercées à l’encontre des observateurs nationaux et internationaux au procès en appel de l’affaire Maheshe, condamnent les menaces de mort reçues depuis le 17 avril 2008 par trois ONG congolaises, par l’ONG de protection des défenseurs des droits humains « Protection International » et par les avocats de la défense. Nos organisations souhaitent rappeler l’absolue légitimité de l’observation des procès au regard du droit international ainsi que le droit d’exprimer publiquement des critiques sur un procès en cours.
Le 17 avril 2008, Maître Jean Bedel Kaniki (Avocat membre de l’ONG Initiative Congolaise pour la Justice et la Paix – ICJP), Monsieur Jean-Paul Ngongo Mundala (membre de l’ONG « Voix des sans voix ni liberté »- VOVOLIB et représentant des ONG de défense des droits humains au bureau de coordination de la société civile de Bukavu) et Monsieur Dieudonné Sango (Vice-président du Réseau Provincial des Organisations Non Gouvernementales des Droits de l´Homme de la République Démocratique du Congo-Sud Kivu – REPRODHOC et coordinateur de Programme de Développement Social – PRODES), tous trois observateurs au procès Maheshe, ont reçu les menaces de mort suivantes : « Ne t’en fais pas. Rira bien qui rira le dernier. Tu paieras cher de ton propre sang l’issue de ce procès que tu as tant discrédité. Tu sais la règle du jeu. Au plaisir… ».
La représentante de Protection International en République Démocratique du Congo, Madame Sophie Roudil, a reçu un SMS anonyme, contenant le texte suivant : « Ne t’en fais pas. Rira bien qui rira le dernier. Ils paieront cher de leur propre sang l’issue de ce procès qu’ils ont tant discrédité. Nous sommes au Congo. Au plaisir… ».
Les quatre observateurs ont porté plainte le 19 avril auprès des services de police de Bukavu, et quelques heures plus tard, les trois observateurs congolais ont reçu le SMS suivant : « Plainte ? Une contre attaque ? Hum !!! Ok. Le plus fort l’emportera. C’est une question de temps. Le vin est tiré …bonne chance».
Madame Sophie Roudil a quant à elle reçu le sms suivant : «avec tous les respects, tu es RESPONSABLE de ce qui va ARRIVER».
Me Jean-Claude Mubalama, Me Charles Cubaka et Me Donatien Mulumeoderhwa, avocats de la défense ont eux aussi reçu des SMS menaçants le 21 avril dans la soirée. M. Bahati Mushagalusa Crispin, juriste d’ASADHO (Association Africaine des Droits de l’Homme) allègue avoir reçu une menace par téléphone le 19 avril dans la soirée.
Ces menaces constituent de graves atteintes au droit de défendre les droits humains.
Il appartient à l’Etat Congolais et aux Ministères concernés d’assurer la sécurité des défenseurs.
Pour rappel sur le droit international, l’observation de procès est une pratique ancienne et universellement reconnue. L’observation de procès est une manifestation de l’exercice du droit de tout individu et association de promouvoir et défendre les droits de l’homme. Le droit d’observer des procès est protégé par l’article 9 de la Déclaration sur le droit et la responsabilité des individus, groupes et organes de la société de promouvoir et protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales universellement reconnu, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies (Résolution N° 53/144 du 9 décembre 1998). rnCe droit inclut aussi celui « d’assister aux audiences, procédures et procès publics afin de se faire une opinion sur leur conformité avec la législation nationale et les obligations et engagements internationaux applicables » (( Article 9(3)(b)).
Pour rappel sur l’affaire Maheshe, la Mission des Nations unies en République Démocratique du Congo (MONUC) avait constaté dans son rapport, publié le 6 mars 2008, à l’issue du verdict rendu au premier degré de juridiction, que « de nombreuses et graves violations des garanties fondamentales au droit à un procès équitable ont été enregistrées tout au long de la procédure » et que de ce fait « la condamnation à mort des quatre prévenus revêt un caractère particulièrement grave […]. ». La présence d’observateurs indépendants ne peut que contribuer à aider la justice congolaise à corriger les dysfonctionnements enregistrés par la MONUC en première instance et rendre enfin justice à la famille de Serge Maheshe, assassiné le 13 juin 2007.
rnEn ce qui concerne la sécurité des défenseurs des droits humains qui suivent le procès, plusieurs observateurs congolais au procès ont déclaré à l’ONG Protection International avoir reçu de fortes pressions suite à la publication de leurs communiqués au terme des audiences successives. Protection International, dont le mandat consiste à renforcer la protection des défenseurs des droits humains, a attiré l’attention des Ministères congolais de l’Intérieur, de la Défense et de la Justice et Droits Humains, ainsi que l’Auditorat militaire général, sur les pressions subies par les observateurs nationaux et internationaux.
Nos organisations demandent donc aux autorités congolaises :
- de réagir fermement pour condamner les menaces que les observateurs au procès Maheshe ont reçues, de poursuivre les responsables de ces intimidations, et de mettre en œuvre des mesures de protection appropriées pour Jean Bedel, Jean-Pol Ngongo , Dieudonné Sango , Sophie Roudil, Jean-Claude Mubalama, Charles Cubaka, Donatien Mulumeoderhwa et Bahati Mushagalusa Crispin,rn- De procéder d’urgence à la définition et la mise en œuvre d’une politique nationale de protection des défenseurs des droits humains et journalistes comme le réclament les organisations congolaises de défense des droits humains et de la liberté de la presse depuis l’assassinat en 2005 de Pascal Kabungulu Kibembi (dont le procès interrompu fin 2005 n’a toujours pas repris),rn- de veiller à ce que toutes les garanties d’un procès juste et équitable soient respectées dans l’affaire Maheshe en cours.
D’autre part, nous demandons aux ambassades et délégation de la Commission européenne à Kinshasa de renforcer leur politique de protection des défenseurs et de formuler une stratégie locale pour la mise en œuvre des Lignes directrices de l’Union européenne sur les défenseurs des droits humains, conformément aux vœux exprimés dans son rapport annuel 2007 sur les droits de l’homme : « L’UE espère que la mise en place de stratégies locales pour la protection des défenseurs des droits de l’homme marquera une nouvelle étape permettant aux défenseurs des droits de l’homme de mener l’action irremplaçable qui est la leur, sans subir d’intimidations ».
Signataires :rnFédération Internationale des Journalistes (FIJ)rnAction des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture (ACAT France)rnCommission Internationale des Juristes (CIJ)rnProtection InternationalrnPour toute information, veuillez contacter Protection International : Pascale Boosten (+32-479-677475) [email protected]