Les survivants des violences armées dans les provinces de l’Est du pays ont rapporté ce mercredi 1er février au Pape François, les atrocités dont ils ont été victimes. Il s’agit principalement des victimes venues de Butembo-Beni, Goma, Bunia, Bukavu et Uvira, dans les provinces du Sud-Kivu, du Nord-Kivu et de l’Ituri.
Des témoignages qui ont choqué l’auditoire. Ces femmes et hommes ont enduré des épreuves cruelles, œuvres des hommes sans cœur.
Le premier à prendre parole est un jeune garçon de 16 ans, Kambale, qui a vu son père et son grand-frère être assassinés dans le territoire de Beni, devant lui. Le corps de son père a été découpé. Sa mère disparue, n’a plus fait signe de vie. Il est resté seul avec ses deux petites sœurs.
Un autre témoignage qui a ému le pape François est celui d’une jeune maman qui a été prise comme esclave sexuelle pendant 9 mois dans le territoire de Walikale (Nord-Kivu) et est tombée enceinte. Elle est actuellement mère des jumeaux.
« Un jour nous allions puiser de l’eau à la rivière. C’était à Musenge. C’était en 2020. En route, nous avions rencontré des rebelles. Ils nous ont amenées dans la forêt. Moi, c’est le commandant qui m’a désirée. Il m’a violée comme un animal. C’était une souffrance atroce. Je suis restée pratiquement comme sa femme. Il me violait plusieurs fois par jour, comme il voulait, pendant plusieurs heures. Et cela a duré 19 mois, 1 an et 7 mois. J’ai eu, avec une de mes amies, la chance de m’échapper, après 19 mois de souffrances. De cette expérience, suis revenue enceinte. J’ai eu des jumelles, qui ne connaitront jamais leur père », a-t-elle témoigné.
La sauvagerie humaine
Le troisième témoignage a été fait par un survivant d’une attaque du camp de déplacés de Bule en Ituri, lu par l’abbé Guy-Robert Mandro Deholo. Dans cette délégation, plusieurs survivants ont levé leurs mains amputées, avant que le récit de l'abbé ne reprenne :
« L’attaque a eu lieu dans la nuit du 1er février 2022 par un groupe armé, lequel a fait 63 morts. J’ai vu la sauvagerie : des femmes éventrées, des hommes décapités. Nous vivons dans des camps de déplacés sans espérance de retourner chez nous, car les tueries, les destructions, les pillages, le viol, le déplacement des populations, les kidnappings, les tracasseries, bref, on dirait l’exécution d’un plan d’extermination, d’anéantissement physique, moral et spirituel se poursuit tous les jours ».
« Saint–Père, nous avons besoin de Paix et rien d’autre que de Paix, ce don gratuit de Jésus-Christ. Nous voulons retourner dans nos villages, cultiver nos champs, rebâtir nos maisons, éduquer nos enfants, cohabiter avec nos voisins de toujours, loin des bruits des armes ! Nous voulons que le mal perpétré en Ituri s’arrête, qu’l soit puni et réparé!», a-t-il plaidé.
Les survivantes de Bukavu et Uvira dans le Sud-Kivu, ont témoigné de l’esclavage sexuel dont elles ont été victimes :
« Des rebelles avaient fait incursion dans notre village de Bugobe; c’était la nuit d’un vendredi, en 2005. Prenant en otage tous ceux qu’ils ont pu, déportant tous ceux qu’ils avaient trouvé, leur faisant porter les objets qu’ils avaient pillé. En route, ils ont tué beaucoup d’hommes par balles ou au couteau. Les femmes, ils les emportèrent dans le parc de Kahuzi-Biega. J’avais alors 16 ans. J’ai été retenue comme esclave sexuelle et j’ai subi des maltraitances pendant trois mois », a-t-elle relaté.
« Ils nous faisaient manger la pâte de maïs et la viande des hommes tués. De fois, ils mélangeaient les têtes des gens dans la viande des animaux. C’était ça notre nourriture de chaque jour. Nous vivions nues pour ne pas nous échapper. Je suis de ceux qui leur ont obéi jusqu’au jour où, par grâce, je me suis échappée lorsqu’ils nous envoyèrent puiser de l’eau à la rivière. Arrivée à la maison, mes parents m’ont conduite à l’hôpital de Panzi en passant par le centre Olame où j’ai suivi des soins appropriés », confie-t-elle.