Le 30ème anniversaire de la marche des chrétiens, qui a eu lieu le 16 février 1992 pour réclamer la réouverture de la conférence nationale souveraine, a été commémoré mercredi 16 février à Kinshasa. Une messe a été dite, pour ce faire, à la paroisse Saint Joseph de Matonge.
Le Collectif du 16 février a organisé une conférence-débat sous le thème : « 30 ans, 1992-2022, les croyants congolais toujours interpelés au courage politique ».
Le professeur Thierry Landu, conférencier du jour, a expliqué le sens de ce thème et ce que les Congolais peuvent tirer actuellement de cette mobilisation des chrétiens de l’époque :
« Trente ans après, le bilan est simple : ce que nous avons réussi à braver le 5 février 1992, c’est notre peur. Nous avons osé affronter ceux qui nous gouvernent parce que nous avons ressenti qu’il y avait une injustice par rapport à l’interruption brusque de la Conférence nationale souveraine. Or, cette conférence nationale représentait l’espoir de toute une nation pour tourner la page de la dictature ».
Il fait remarquer que le peuple constitue une grande force et que la démocratie est un processus:
« Aujourd’hui, les gens pensent que aller vers la démocratie c’est quelque chose qu’on va acquérir en une seule fois. Ce qui est faux. Nous sommes dans ce processus. Nous avons vu en 2017, le même peuple s’est mobilisé pour qu’on ne change pas la constitution de notre pays. Les gens ne s’imaginent pas la force que nous présentons », indique Thierry Landu.
Rappel des faits
Le 16 février 1992, des milliers des Kinois descendaient dans la rue pour une marche pacifique dénommée «marche de l’espoir», à l’appel d’une association catholique laïque. Ils revendiquaient la réouverture de la Conférence Nationale Souveraine (CNS), fermée le 19 janvier 1992 par le Premier ministre Nguz-a-Karl-i-Bond.
Ce forum national, ouvert le 7 février 1991 à Kinshasa, avait pour objectif «de faire une évaluation sans complaisance de la situation politique du pays, avec tolérance et justice afin de baliser le chemin de la démocratie et du changement social ».
Mais dans un message radiotélévisé, le Premier ministre Ngunz fermera la CNS, expliquant sa décision par le fait que les travaux de la conférence coûtaient trop chers, la province du Kasaï-Oriental surreprésentée parmi les conférenciers (14%) et que la CNS outrepassait ses compétences.
Quelques semaines suffirent aux intellectuels catholiques pour décider de l’organisation de cette marche du 16 février pour exiger la réouverture de ce forum dont les résolutions devraient revêtir un caractère souverain et donc contraignant pour le régime de l’époque.
La manifestation qui réussit à mobiliser des milliers des chrétiens catholiques, protestants et orthodoxes dans différents coins de la capitale du Zaïre, le nom du pays en ce temps-là, fut finalement réprimée dans le sang par l’armée.
Le bilan
Le bilan de la répression de cette marche diverge. Selon la Voix des sans voix pour les droits de l’Homme (VSV), trente-cinq personnes ont été tuées et beaucoup d’autres blessées. L’archidiocèse de Kinshasa a publié une liste de seize blessés graves et de vingt et une personnes mortes par balle.
Les sources officielles avaient, à l’époque, évoqué le nombre de 13 morts, plusieurs sources non officielles avaient fait état des centaines des morts.
Dans plusieurs paroisses, les processions furent étouffées aux premiers pas par des tirs à balles réelles. Et dans la débandade, les manifestants qui s’étaient réfugiés dans les églises environnantes pendant la répression y ont été poursuivis et violentés par les éléments armés.