Les parents s’endettent. Ils se battent pour trouver la rançon exigée par les ravisseurs de leurs enfants : c’est leur calvaire à Goma dans le Nord-Kivu. Depuis le début de cette année, plus de cinq enfants ont été enlevés dans la ville, renseigne le parlement d’enfants. Assez souvent, ces otages sont libérés après le paiement de la rançon par les membres de la famille.
Au quartier Kasika, une petite fille de 3 ans kidnappée devant le domicile familial donne du fil à retordre à ses parents. Ils doivent réunir de l’argent exigé [500 USD] par les ravisseurs. Et doivent s’endetter auprès des voisins.
« Apporte même 500 Francs congolais (0,3 USD) et je te rembourserai », supplie en swahili la mère d’un enfant qui demande de l’aide à sa voisine.
La réplique de sa voisine ne l’encourage pas : « Je n’ai rien pour l’instant », se contente-t-elle de répondre.
La maman de l’otage ne désarme pas. Bien que dépourvue de tout, elle n’a pas d’autre choix que de réunir l’argent et payer ses ravisseurs…pourvu que la petite revienne en vie.
« Ça fait très mal d’amener un enfant qui était devant sa maison. Nous ne savons plus ce qu’il faut faire dans cette ville. Nous sommes une famille pauvre. Parfois nous passons des journées sans manger mais des bandits viennent kidnapper nos enfants et nous exigent de l’argent », se désole une autre femme dont une fillette de la famille a été kidnappée.
Les ravisseurs ont exigé 500 USD de rançon. Une somme proportionnelle au niveau de vie du quartier où la fillette a été kidnappée. Dans d’autres quartiers, réputés plus nantis, les kidnappeurs réclament jusqu’à 5 000 USD de rançon.
Et c’est vers 11 heures du week-end du 3 juin que la dame a pu réunir la somme, après une collecte auprès de ses voisins.
Téléphone éteint…
Quand la maman va finalement rappeler pour aller récupérer sa fille, le téléphone des ravisseurs sera éteint.
La suite de l’histoire ressemble au scenario d’un film d’espionnage. La mère de la fille kidnappée va contacter la police pour lui remettre le numéro de téléphone des ravisseurs par lequel elle leur a envoyé de l’argent via un compte mobile money.
Presqu’a la tombée de la nuit, les ravisseurs recontactent la mère l’invitant à récupérer sa fille dans un restaurant du village.
Le tenancier du restaurant racontera plus tard avoir accueilli une petite fille, la victime du kidnapping, accompagnée d’une dame. Cette dernière a commandé la nourriture et la boisson avant de disparaitre dans la nature.
Les serveurs du restaurant réussiront à dissuader la fille de quitter seule les lieux, le temps que sa maman vienne la retrouver.
Arrestation
Si d’ordinaire les ravisseurs ne se limitent qu’à réclamer l’argent, un cas de meurtre a été déploré à Goma. Une des victimes a été tuée au quartier Keshero, à la périphérie Ouest de la ville.
Dans ce quartier huppé, les kidnappeurs exigent jusqu’à 5 000 USD de rançon par enfant. Puisque les parents tardaient à verser les sommes demandées, les ravisseurs ont tué une fille pour faire pression sur les autres parents.
Ces derniers ont finalement payer via mobile money tout en prenant soin d’alerter la police. Un réflexe qui a permis à la police de mettre la main sur ces ravisseurs au moment où ils se rendaient à un shop pour le retrait de l’argent.
Se mobiliser contre les enlèvements
Ces enlèvements inquiètent les acteurs de la société civile. Pour Vianney Bisimwa, acteur social œuvrant à Goma, tous les habitants de la ville devraient se mobiliser pour combattre des kidnappings.
Ce lourd fardeau non seulement financier mais psychologique ne devrait pas être supporté par les seules familles des victimes, dit-il, invitant toute la population à raviver la flamme de la solidarité africaine.
« Nous avions la solidarité africaine, nous devront la raviver au sein de notre société. Des milliers de personnes doivent aller soutenir la famille éplorée pour lui manifester le soutien de la ville. C’est sera un message fort qu’on va envoyer aux ravisseurs qui pensent destabiliser les familles », conseille Vianney Bisimwa.
Au-delà de cette solidarité africaine, Me Jean Paul Lumbulumbu, notable de la province demande à la police de faire son travail.
« Le salaire de la police est payé par la population à travers des taxes. Nous pensons qu’il est inconcevable qu’on enlève des enfants au vu et au su des policiers », dénonce-t-il.
Et la police?
La police et les services judiciaires ne croisent pas les bras non plus. Ils ont mis la main sur un réseau de kidnappeurs.
Mercredi 7 juin dans la soirée, le tribunal de paix de Nyiragongo a prononcé le verdict dans le procès de huit femmes accusées d’enlèvements d’enfants. La peine la plus lourde, deux ans de prison, a été prononcée contre Chibalonza Jeanine.
Sa compagne Basilibawa Ange a été condamnée à un mois en prison pour détention du chanvre. Faute de preuves suffisantes, trois autres prévenues ont été acquittées.
Dans leurs dépositions pendant le procès, les deux enfants, âgés de 8 et 10 ans, avaient affirmé avoir été à plusieurs reprises utilisés pour le vol du bétail pour le compte de leurs ravisseurs.
De nombreux parents inquiets réclament aux services compétents de l’Etat plus d’engagement pour endiguer ce phénomène de kidnapping.