Depuis avril dernier, les Forces armées de la République démocratique du Congo (Fardc) font face à la rébellion du M23 qui crée un climat d’insécurité à l’est du pays. Dotée d’une branche politique, une rébellion cherche à négocier avec le gouvernement de Kinshasa.
C’est la date à laquelle le gouvernement de la République Démocratique du Congo (RDC) a signé l’accord de paix avec le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) à Goma, dans la province du Nord-Kivu, à l’est du pays. Ce mouvement politico-militaire pro-tutsi à l’est de la RDC était dirigé à l’époque par l’ex-rebelle Laurent Nkunda.
Un accord de 15 articles dont le M23, rébellion qui s’est déclarée en avril 2012, réclame aujourd’hui d’en respecter l’esprit et la lettre.
«Nous demandons au gouvernement de la République Démocratique du Congo de fournir des efforts pour l’éradication des forces négatives à l’Est, notamment les FDLR (Forces démocratiques de libération du Rwanda, une rébellion constituée d’hutu rwandais, ndlr)», répète le lieutenant-colonel Vianney Kazarama, porte-parole des mutins.
«Nous demandons le retour de tous les Congolais réfugiés, vivant à l’extérieur du pays, en exil ; la reconnaissance des grades formels de tous les officiers des groupes armés et ceux du CNDP en particulier, l’intégration politique des membres du CNDP au sein du gouvernement central», énumère-t-il, dans la liste des principales revendications des mutins du M23.
Pourquoi prendre les armes?
Paradoxe. Les combats entre ces rebelles et l’armée congolaise jettent encore plus de personne sur les routes, des populations qui fuient les affrontements, alors que le M23 lutte pour le retour des réfugiés en RDC.
Un témoin sur place à Goma ne croit pas du tout à cet argument. «Ils lutteraient pour le bien-être des Congolais, ils ne seraient pas à la base de ces déplacements massifs des populations. Les gens à Rutshuru souffrent énormément», confie-t-il.
A cette liste de revendications, le porte-parole du M23 ajoute les conditions sociales des populations.
«Les Congolais vivent dans des conditions inhumaines, les médecins et les enseignants sont dans la misère, sans parler des conditions des militaires, leurs enfants n’étudient pas. Nous étions dans une armée sans moyens suffisants et sans salaire, affirme le lieutenant-colonel Vianney Kazarama.
La solde d’un général des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) est de 100 dollars, 45$ pour un soldat de rang. La ration est de 5$ pour les soldats en garnison et de 10$ pour ceux qui sont aux fronts.»
Arguments que balaye d’un revers de la main le colonel Olivier Hamuli, porte-parole des FARDC à Goma.
«Lorsque le M23 parle des militaires impayés, ce sont eux qui ont été des commandants des grandes unités dans la région, explicite le porte-parole de FARDC.
Ils s’occupaient de la solde des militaires qu’ils détournaient ainsi que les munitions. Ils ont tout détourné pour des revendications qui ne tiennent pas la route. Et mettre tout cela sur le dos du gouvernement congolais aujourd’hui, c’est absurde et c’est à pouffer de rire. Les vraies raisons de leur mutinerie sont ailleurs.»
De leur point de vue, c’est en raison de ces conditions précaires que les mutins du M23 ont quitté les rangs des Forces armées de la République démocratique du Congo.
«Il y a aussi le tribalisme dans cette armée qui compte plusieurs groupes armés, des Lumumbistes, les Mobutistes, les hommes de Bemba, d’Azarias, etc…Tout ça ce n’est pas une armée, peste le porte-parole du M 23. C’est donc une armée indisciplinée, hétéroclite, qui ne respecte pas les droits de l’homme et qui vie sur le dos de la population.»
Pourtant, c’est grâce à cet accord du 23 mars 2009 que les combattants du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), rébellion de l’époque, ont été intégrés au sein des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC).
L’actualité récente plaiderait en faveur des mutins.
«En Egypte, on a revendiqué et on a tué. En Syrie, c’est pareil. Et le gouvernement de Joseph Kabila a tiré sur des gens à Kinshasa pendant que ces personnes revendiquaient pacifiquement. C’est pour cela que nous revendiquons aussi la bonne gouvernance et respect de la vérité des urnes, explique le porte-parole du M 23.
Il faut que la RDC se dote d’une démocratie libre et crédible. On ne peut pas développer un pays sans la démocratie.»
Et c’est dans cet élan de démocratie que le CNDP deviendra un groupe politico-militaire avant de rejoindre la majorité présidentielle qui a soutenu le président Joseph Kabila —réélu en 2011 dans un scrutin très contesté—. Depuis le déclenchement de la traque de Bosco Ntaganda, général congolais pro-tutsi recherché par la CPI pour crimes de guerre, et les derniers évènements en rapport avec le M23, le CNDP a claqué la porte de cette majorité.
Qui sont donc les rebelles du M23?
«Nous sommes des rebelles, un nouveau courant du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP).» C’est ainsi que le porte-parole du M23 présente leur mouvement.
La rébellion du M23 est composée d’anciens militaires venus des rangs des FARDC et qui ont fait défection.
«Ils ont été intégrés de manière accélérée en 2009, indique le colonel Olivier Hamuli, porte-parole des Fardc à Goma.
Cette rébellion qui s’est déclenchée début avril est «en réalité une émanation du CNDP».
«Ce n’est donc pas un nouveau groupe armé, puisqu’il est créé par des ex-éléments du CNDP, très actifs notamment lors des derniers incidents survenus en 2008 avec l’arrivée près de Goma, province du Nord-Kivu, des troupes de cette rébellion dirigée à l’époque par le général déchu Laurent N’kunda », raconte Achraf Sebbahi, chargée de mission au Programme Afrique d’Amnesty International pour la République démocratique du Congo.
Laurent N’Kunda sera remplacé par le général Bosco Ntaganda à la tête du CNDP et deviendra général de brigades FARDC. Il faut signaler que Bosco Ntaganda «contrôlait plusieurs unités dans la région Est du Congo. Il a ainsi réussi à faire que certains éléments du CNDP accèdent à des positions clés dans l’armée congolaise dans la province du Nord et du Sud-Kivu», croit savoir Achraf Sebbahi.
Lorsque le gouvernement congolais a commencé à traquer le général Bosco Ntaganda, recherché par la CPI, ce dernier a usé de son influence et «demandé à tous les militaires qui opéraient sous ses ordres dans le CNDP de le rejoindre dans la rébellion. Par la suite, l’annonce de la création du M23, nouveau groupe armé, faisant référence aux accords du 23 mars 2009 n’est en réalité qu’un moyen de cacher l’existence réelle de la branche armée du CNDP», poursuit la chargée de mission d’Amnesty International. C’est ainsi qu’on retrouve dans le M23, beaucoup plus d’éléments ex-CNDP.
Une source locale, affirme qu’«en réalité, le M23 n’existe pas. Personnellement je ne crois en cette terminologie de M23. Les M23, ce sont des militaires venus du Rwanda installés au Congo depuis longtemps et qui ont été intégrés dans les FARDC. Ils ne travaillent pas pour la RDC. Ils sont une sorte de bouclier anti-FDLR placé en RDC par Kigali pour contrer toute attaque de ces derniers. Le M23 n’est pas vraiment en rébellion, poursuit-elle. Ils regagnent leur fief naturel qu’ils ne doivent pas abandonner, à la frontière entre la RDC et le Rwanda où ils surveillent leur frontière contre l’agression des FDLR.»