Mokonda Bonza : «Nous allons élaguer de ce projet de loi tout ce qui touche au recensement»

Des sénateurs lors d’une session à la chambre haute du parlement à Kinshasa. Radio Okapi/ Ph. John Bompengo

Le projet de la loi électorale a été jugé recevable mardi dernier au Sénat. Le texte a été envoyé à la commission spéciale instituée à cet effet pour un examen approfondi. Invité de Radio Okapi mercredi 21 janvier, le sénateur Mokonda Bonza, président de la Convention des démocrates chrétiens, un parti de l’opposition, affirme que l’article 8 de cette loi relatif au recensement doit être élagué. Il s’exprime également sur la coupure de la connexion Internet des SMS.

Le Sénat a jugé recevable le projet de loi modifiant la loi électorale. Pendant le débat, vous demandiez son irrecevabilité ou son rejet. Est-ce un échec de votre démarche ?

C’est un combat politique. On ne réussit pas à tout moment, mais je suis convaincu que cette nouvelle loi ne change pas grand chose par rapport à la loi de 2011, si on enlève le fait que l’élection présidentielle est conditionnée par le recensement. Nous avions dit que le recensement est une activité routinière. Le ministre [de l’Intérieur] l’a avoué, le Directeur général [de l’Office national de l’identification de la population] l’a avoué. À partir de ce moment là, il n’y a pas de raison de conditionner l’élection présidentielle au recensement, surtout que pour le président de la République, sa circonscription électorale c’est l’ensemble du territoire. Qu’il y ait 2 millions ou 5 millions, ce sont ceux là qui vont voter. Aujourd’hui je crois que le bureau a proposé qu’on envoie le projet de loi à la commission et comme il se fait que je me trouve personnellement dans une de ses commissions spéciales, et que le ministre lui-même a accepté qu’il n’y a pas de conditionnalité, je crois que ce que le Sénat a compris, ce que nous allons élaguer de ce projet de loi tout ce qui touche au recensement »

La loi électorale a été débattue dans un Palais du peuple ceinturé par les forces de l’ordre pendant que les échauffourées continuaient dans beaucoup de quartiers de Kinshasa. Comment vous sentez-vous ?

Mal à l’aise. Parce que je suis convaincu qu’on veut étouffer les gens. Le gouvernement ne veut pas que les gens s’expriment. Voilà pourquoi je dis que pendant que nous sommes là, hier [lundi] on a séquestré des hommes politiques, on a arrêté des gens. Il y a des gens qui sont morts. J’ai même appris qu’on a arrêté un autre homme politique. Tout le Palais du peuple se trouve dans une situation de tension. Il y a des barrages pour y arriver. Nous mêmes quand nous arrivons, avant d’entrer, il faut passer par deux ou trois contrôles. Et tout ça, ça montre qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Malheureusement, le gouvernement ne montre pas l’impression de mettre de l’eau dans son vin. Il veut organiser un passage en force. Et ça, ce n’est pas une bonne chose. Ça montre que le gouvernement veut défier la population. Nous, nous ne voulons pas que le gouvernement défie la population. Voilà. Nous avons suggéré qu’il y ait des discussions, des négociations entre la Majorité, l’Opposition et la Société civile de manière à ce que nous arrivions à trouver un calendrier des élections qui soit global et consensuel. Ce n’est que dans ces conditions là que les élections pourront se tenir de manière pacifique.

Vous êtes sûr d’être entendu ?

Pour la Commission (PAJ), nous ferons en sorte que cette disposition [article 8 de la loi électorale] que nous considérons comme de nature à violer la constitution soit élaguée du projet de loi pour que les élections se tiennent avant la fin du mandat du président de la RDC, avant le 19 décembre 2016. Même si les membres du gouvernement sont convaincus qu’il n’y a pas violation de la Constitution, mais nous aussi nous sommes convaincus que si vous faites en sorte que les élections ne se tiennent pas avant la fin du mandat, vous avez violé la Constitution. Puisque la Constituions elle-même dit dans son article 79 que le scrutin à l’élection présidentielle devra se tenir 90 jours avant la fin du mandat du président de la République.

Dans ces conditions, en tant que parlementaire, avez-vous l’impression d’avoir travaillé librement et d’avoir bien travaillé aujourd’hui ?

Je ne peux pas le dire même si les débats ont été tout à fait normaux comme nous en avons l’habitude. Mais savoir, pendant que nous discutons d’une loi qu’il y a des coups de feu. On vous dit qu’à Rond-Point Ngaba, on a fait ceci, à Makala, il y a cela. À Yolo jusqu’à Kapela, il y a ça, du côté de la Tshangu il y a ça. On est des humains, en ce moment là, on est un peu énervé et on se sent un peu prisonnier. Malgré tout ça, on a fait de notre mieux pour faire entendre notre voix. Et je crois que le gouvernement a certainement pris conscience de notre point de vue.

Pour la journée de lundi et mardi, l’internet et les SMS ont été coupés du pays. Qu’en pensez-vous ?

C’est une violation de la Constitution. Le gouvernement veut une chose et son contraire. Là, le gouvernement a violé la Constitution, il a violé nos libertés, le droit à l’information, à l’expression, la liberté d’opinion. Nous sommes tout à fait mécontents. Nous protestons. Il nous prend en otage. Le pays n’appartient pas au Gouvernement. Tous les fils de ce pays ont les mêmes droits.  Il n’y a pas que le Président de la République et les membres du gouvernement qui ont des droits. Ils ne peuvent pas imposer leurs lois à tout le monde et ça nous sommes foncièrement contre.

Propos recueillis par Mimie Engumba.

Suivez l’intégralité de l’interview de Mokonda Bonza.

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