Depuis des décennies, le quartier Pakadjuma, situé dans la commune de Limete (Kinshasa) traine une mauvaise réputation à la suite de la prostitution, la délinquance, le viol, le vol, violences physiques, disputes... Même les mineures jouent aux professionnels de sexe, au vu et au su de tous. A Pakadjuma, tout visiteur se croirait dans un autre monde, hors de la capitale congolaise.
Environnement crasseux
Dans les ruelles exiguës qui séparent des centaines des maisonnettes et baraquements collés les uns aux autres, les travailleuses du sexe quadrillent Pakadjuma, un bidonville populaire qui accueille de nombreuses personnes vulnérables.
La population, assez compacte, vit dans une promiscuité extrême. Elle est estimée à cinq mille menages, selon les statistiques des ONG opérant dans la zone.
C’est ici que ces prostituées effectuent leur travail, au milieu des taudis en tôles servant d’habitation aux occupants, côtoyant des tas d’immondices qui jonchent les ruelles, respirant une odeur pestilentielle que dégagent ces déchets.
Ici, pas de latrines. Urines et matières fécales sont jetées dans les caniveaux, à quelques mètres des lieux d’habitation.
Le commerce de sexe est l’activité principale de survie de nombreuses femmes qui vivent à Pakadjuma. La plupart d’entre elles ont fui la pauvreté, notamment dans le Grand Equateur, pour "une vie meilleure", à Kinshasa.
Un constat glaçant : des jeunes filles, tout comme des adolescentes, pratiquent le vieux métier du monde. Certaines, âgées de 14, 15 ans, sont déjà mamans.
« J’aime le métier de sexe »
L’une des jeunes filles, Francine (nom d’emprunt), témoigne avoir commencé ce métier à l’âge de 12 ans :
« Je fais le commerce de sexe. C’était mon choix ! Mais, si tu rencontres mes parents, tu ne croiras pas que ce sont eux mes parents. Ça fait longtemps que je pratique ce métier. Je l’ai commencé à l’âge de 12 ans, après avoir fui de chez nous. Je suis d’abord allée à Funa, puis Kingabwa, après j’ai été à Tshangu avant de m’installer ici à Kawele. Aujourd’hui, j’ai grandi ».
Dans ses aventures sexuelles non protégées, elle dit avoir eu deux enfants. Mais, ils sont tous décédés. Malgré cela, « j’aime ce métier, car ma mère est en Angola. J’habitais chez mon oncle. Mais, il ne s’occupait pas bien de nous », explique-t-elle, accusant son oncle de s’attacher seulement à ses propres enfants.
Elle dit avoir aussi fréquenté quelques centres d’encadrement, où elle a pu étudier jusqu’en première année secondaire…
Le sexe à vil prix
Cependant, la prostitution n’est pas sans risque. Francine en énumère les conséquences :
« Tu peux croiser un homme, il va avec toi, et il te frappe au lieu de te payer. Pendant la nuit, tu croises des militaires, ils te ravissent tout l’argent. Si tu croises de nombreux voyous, ils te violent et ne ils ne te donnent rien. Il y a beaucoup de conséquences dans ce métier ».
Le commerce du sexe à Pakadjuma se fait à moindre frais. C’est ce qui attire de nombreux clients. La même fille donne des détails:
« Un client peut payer 20 000 francs congolais (7 USD). Un autre, 10 000 francs et il y a ceux qui donnent 5 000, 4 000 francs. Avec la conjoncture actuelle, nous acceptons même 3 000 francs (1 USD). Pour passer toute une nuit, nous exigeons 30, 45 jusqu’à 50 000 francs congolais».
Loyer moins cher
Les raisons de la prostitution à Pakajuma sont plus souvent économiques. De nombreuses femmes fuient l’intérieur de la RDC pour s’y prostituer. Tant que le social des Congolais ne sera pas amélioré, il sera difficile de mettre fin à la prostitution, notamment des enfants, pense un habitant de ce bidonville, Emmanuel.
Agent de la Société commerciale des transports et des ports (SCTP, ex Onatra), il dit vivre à Pakajuma parce que le loyer y est très abordable :
« Les gens viennent ici car le loyer est moins cher. Entre 20 000, 30 000 francs congolais. Si une femme se retrouve sans mari, elle se lance dans la prostitution pour survivre. Nous voyons également les adolescentes, âgées de 11, 12 ou 13 ans, qui se prostituent. C’est par manque d’encadrement (…) Elles sont nombreuses ici ».
Certaines d’entre elles vivent avec leurs parents, alors que d’autres ont fui leurs familles ailleurs. Pour préserver l'éducation de ses enfants, Emmanuel a envoyé ses filles vivre dans une famille d'accueil loin de Pakajuma.
« Moi je travaille. Mais, on attend trois mois pour être payés. J’avais mes enfants ici, j’ai dû les renvoyer à Bandundu », poursuit Emmanuel.
La police débordée
Pakadjuma, c’est aussi un bastion des viols ainsi que des violences basées sur le genre. Le taux de violences basées sur le genre et de violences sexuelles est plus élevé, selon l’ASBL Pakajuma Fondation. La police de la protection de l’enfant et lutte contre les violences basées sur le genre ne dispose pas de moyens conséquents pour mieux mener sa mission.
Toutefois, l’ASBL Pakadjuma Fondation a mis en place quelques projets en faveur des occupants de Pakajuma. Au moins135 femmes ont appris à lire et à écrire. 77 femmes professionnelles de sexe ont abandonné cette activité. 43 se sont lancées dans d’autres activités génératrices de revenus. Certains de 6000 enfants de ce quartier fréquentent l’école grâce à cette ASBL.