Le ministre britannique pour l’Afrique, Andrew Mitchell, affirme que le projet de son pays de transférer les migrants irréguliers au Rwanda « est distinct des visées expansionnistes dans le territoire congolais. Il résulte d’un accord entre le Royaume-Uni et le Rwanda visant à dissuader les migrants à traverser la Manche ».
Il l’a déclaré dans une interview accordée à Radio Okapi lors de sa visite de trois jours en RDC. Andrew Mitchell a également évoqué la coopération dans le secteur humanitaire et social ainsi que l’appui de son pays au processus électoral; coopération symbolisée par le soutien d’un grand programme éducationnel dans le Kasaï et par l’appui humanitaire aux déplacés du Nord-Kivu.
Il s’entretient avec Jean-Pierre Elali Ikoko:
Radio Okapi: Andrew Mitchell, vous venez du Kasai, une des provinces de la République Démocratique du Congo, ou votre pays finance un programme éducationnel. Quel intérêt que vous accordez à ce projet ?
Andrew Mitchell : Merci beaucoup, c’est ma troisième visite en RDC. La première, c’était en 2006, et je suis très heureux d’être ici encore une fois.
Le nouveau programme, que nous avons annoncé hier, est un grand symbole du soutien britannique dans le secteur social et humanitaire, et d'une relation très étroite entre la Grande-Bretagne et la RDC. Ce programme aidera environ 60 000 enfants, en particulier des filles, à reprendre l'école dans certains cas, car très peu de filles vont à l'école secondaire dans cette partie de la RDC.
La Grande-Bretagne est déterminée à travers ce partenariat à les aider à surmonter les obstacles à l'éducation. Car nous croyons que l'éducation, particulièrement des filles, mais aussi des garçons, est le secret pour établir un monde meilleur.
Et ce programme, je l'espère, qui sera mis en œuvre dans une partie très pauvre de la RDC, soutiendra les objectifs et les aspirations du gouvernement de la RDC à scolariser les enfants, et nous sommes très heureux de soutenir cela dans le cadre de notre partenariat très étroit entre la RDC et la Grande-Bretagne.
R O : votre visite intervient au moment où la RDC est en processus électoral. Quel genre d’appui la RDC peut-elle attendre du Royaume-Uni dans ce processus ?
A. M: la Grande-Bretagne soutient vivement les élections libres et équitables en RDC. Et nous voulons jouer notre rôle en tant que membre de la communauté internationale ainsi qu’en tant qu'ami de la RDC, en veillant à ce que chacun puisse exercer son choix lors de ces prochaines élections.
Si ces élections sont libres et équitables, et que [les résultats] sont acceptés par le peuple congolais et par la communauté internationale, ce serait un moment crucial pour le progrès de ce pays en termes de développement, d’investissement, ce qui crée des emplois, et dans la capacité de la RDC à construire ce qui est potentiellement l'un des pays les plus riches au monde, pour le bien-être des personnes vivant en RDC.
R O : La RDC, comme on le sait, fait face à une agression dans sa partie Est, avec des conséquences incalculables sur le plan humanitaire. Vous vous rendrez demain au Nord-Kivu où il y a beaucoup de déplacés congolais. Que peuvent attendre ces nombreux déplacés de votre passage ? Que peut faire le Royaume-Uni face à cette situation ?
A.M : Le Royaume-Uni est un ami et partenaire proche du Rwanda ainsi que de la RDC. Notre seul but à l'Est, dans les Kivus, c'est d’arrêter la misère et la souffrance humaine, qui est tellement apparente. Demain, comme vous l'avez dit, j'irai dans la région pour voir moi-même à la fois ce qui se passe sur le terrain et ce que la Grande-Bretagne peut faire de plus pour aider.
R.O : On parlait tout à l’heure de l’agression du Congo par le Rwanda. Pourquoi est-ce que le Royaume-Uni hésite de condamner cette agression, alors que vous l’avez fait en ce qui concerne notamment l’agression de l’Ukraine par la Russie ? Vous l’avez condamné immédiatement, pourquoi est-ce que vous ne le faites pas ouvertement en ce qui concerne l’agression de la RDC par le Rwanda ?
A.M : Eh bien, soyons très clairs sur le fait que l'effroyable agression russe contre l'Ukraine, où un membre des cinq [pays] permanents du conseil de sécurité à New York à l'ONU, a envahi un pays voisin et massacre ses citoyens. Et la Grande-Bretagne, et la plupart de la communauté internationale ont condamné sans réserve ce que fait Poutine.
La situation dans l'Est de la RDC est extrêmement complexe, mais soyez assuré que le gouvernement britannique envoie les mêmes messages à tout le monde : nous soutenons avec l'argent de nos contribuables le processus de paix de Nairobi, et nous exhortons tout le monde à déposer les armes, à négocier et à entrer dans un processus politique.
Mais rassurez-vous, la relation très étroite entre la Grande-Bretagne et la RDC, entre la Grande-Bretagne et le Rwanda, nous permet de délivrer les mêmes messages, parfois publiquement, parfois en privé, aux deux gouvernements.
On ne dit pas une chose à un gouvernement et autre chose à un autre. Nous sommes pour le peuple, nous voulons que la paix revienne dans cette région très troublée.
R.O : Pour terminer M. le ministre, le Royaume-Uni envisage de transférer des migrants au Rwanda, alors que le Rwanda est un petit pays, bien entendu qui a un sérieux problème de terres. Est-ce que le fait de transférer ces migrants au Rwanda n’est pas une façon implicite de soutenir la politique d’expansion du Rwanda dans les terres congolaises de l’Est ?
A.M: La décision de la Grande-Bretagne d'envoyer ceux qui se trouvent illégalement au Royaume-Uni au Rwanda est un accord entre les gouvernements rwandais et britannique. Il est entièrement distinct de ce qui se passe dans l'est de la RDC. Et il est conçu pour dissuader les gens de traverser la Manche (le canal entre la France et la Grande-Bretagne), une traversée qui met les gens entre les mains de l'équivalent des trafiquants d'esclaves modernes, des gangs qui font passer clandestinement des personnes à travers la Manche.
[Le programme] est conçu pour dissuader les gens de faire ce voyage. S'ils viennent illégalement en Grande-Bretagne, ils ne seront pas autorisés à rester.
Et l'une des options que nous poursuivons est d'envoyer ceux qui ne peuvent pas obtenir l'asile au Royaume-Uni, vers des pays tiers. Pour le moment, c'est le Rwanda, mais ce sera peut-être aussi d'autres pays à l'avenir, où ils pourront faire traiter leurs demandes d'asile.
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