L’escalade de la violence a fait des centaines de morts et des centaines de milliers de déplacés dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), a indiqué mardi 24 janvier le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), qui s’est dit profondément préoccupée par l’escalade des attaques brutales contre des civils par des groupes armés non étatiques.
La conseillère spéciale des Nations unies pour la prévention du génocide, Alice Wairimu Nderitu, a aussi exprimé sa vive inquiétude, en particulier concernant la province de l'Ituri, alors que la Représentante spéciale du Secrétaire général de l'ONU pour les enfants et les conflits armés, Virginia Gamba, a observé que la détérioration de la situation sécuritaire dans l'est de la RDC affectait considérablement les enfants.
Plus de 200 civils ont été tués au cours des six dernières semaines en Ituri dans une série d’attaques menées par des groupes armés non étatiques, qui ont également détruit 2.000 maisons et fermé ou démoli 80 écoles. La dernière attaque meurtrière s’est produite le 19 janvier sur le site de Plaine Savo pour les personnes déplacées dans la province d’Ituri.
Des hommes armés ont pris d’assaut le site avec des armes à feu et ont tué deux adultes et cinq enfants. « De nombreux abris ont été pillés et réduits en cendres », a déclaré mardi lors d’un point de presse de l’ONU à Genève, Eujin Byun, porte-parole du Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés.
Pas moins de 17.000 personnes ont fui vers la ville voisine de Bule, plus sûre. « Elles sont maintenant hébergées dans des écoles, des églises et des marchés extérieurs mal couverts, sans nourriture ni eau suffisantes », a ajouté Mme Byun.
Au moins 52.000 personnes ont fui dans une province qui compte déjà 1,5 million de personnes déplacées. Parmi elles, 35.000 ont trouvé refuge dans la sécurité relative du site de Rhoe, où l’infrastructure d’abris d’urgence, de latrines communes et d’espaces de cuisson partagés croule maintenant sous le poids d’une population de 70.000 personnes, soit près du double de sa capacité prévue.
Une résurgence « dramatique » des affrontements au Nord-Kivu
Des attaques ont également eu lieu dans la province voisine du Nord-Kivu, où une résurgence dramatique des affrontements a commencé en mars 2022 et où 521.000 personnes ont fui pour sauver leur vie face aux bombardements aériens et au recrutement forcé par des groupes armés. Quelque 120.000 personnes se sont déplacées vers dans la périphérie de la capitale provinciale de Goma, portant leurs effets personnels sur la tête et leurs enfants sur le dos.
Malgré l’insécurité et la volatilité de la situation sur le terrain, le HCR et ses partenaires continuent à fournir une aide vitale aux populations déplacées. En janvier, l’agence onusienne est venue en aide à un millier de familles de personnes handicapées, de femmes enceintes et de personnes présentant d’autres vulnérabilités.
L’objectif est de leur permettre d’emménager dans des abris d’urgence nouvellement construits sur le site de Buchagara, près de Goma, dans le Nord-Kivu. Le HCR prévoit de rajouter 1.000 nouvelles maisons bâchées sur le site de Rhoe, en Ituri.
Et pour financer ses opérations en 2023, le HCR demande 233 millions de dollars pour aider les déplacés internes et plus d’un demi-million de réfugiés en RDC.
Ce pays a la plus grande population déplacée du continent africain et l’une des plus importantes au monde. Plus de 5,6 millions de personnes sont déplacées à l’intérieur de la RDC, dont 2,1 millions de déplacés dans la seule province du Nord-Kivu.
Inquiétude de la Conseillère spéciale sur la prévention du génocide
Rappelant sa déclaration publiée le 30 novembre 2022 sur l'escalade de la violence dans certaines parties de la RDC, la Conseillère spéciale pour la prévention du génocide a réitéré lundi, dans une déclaration, « sa plus vive préoccupation quant à la poursuite de la détérioration de la situation en matière de sécurité et des droits de l'homme, en particulier dans la province de l'Ituri ».
Alice Wairimu Nderitu a reçu des informations alarmantes sur de multiples attaques contre des civils selon des critères ethniques, ainsi que sur des massacres, des violences sexuelles, des enlèvements, des destructions de biens et des attaques contre des camps de personnes déplacées perpétrées par des acteurs armés.
Le 13 janvier 2023, une attaque, qui aurait été menée par le groupe armé CODECO dans les villages de Nyamamba et Mbogi (territoire de Djugu, province de l'Ituri), aurait entraîné l'exécution sommaire d'au moins 49 civils (31 hommes, six enfants et 12 femmes). Quelques jours plus tard, deux charniers contenant 49 corps ont été découverts aux mêmes endroits.
« Alors que la situation dans le Nord et le Sud-Kivu nécessite une action immédiate, la situation en Ituri l'est également. Des civils sont massacrés sur la base de l'identité ethnique, encore une fois. Les conditions nécessaires à la commission d'atrocités criminelles continuent d'être présentes dans une région où un génocide s'est produit en 1994. Nous devons faire tout notre possible pour nous assurer que l'histoire ne se répète pas », a déclaré Mme Nderitu tout en saluant les efforts de l'Union africaine et de la Communauté de l'Afrique de l'Est pour négocier des mesures destinées à mettre fin au conflit violent et construire une culture de paix durable dans la région.
Alors que la province de l'Ituri était relativement calme depuis plusieurs années, les groupes armés ont repris en 2017 les attaques systématiques contre les villages. La violence, en partie basée sur des luttes pour les ressources naturelles, a ses racines dans des tensions et des rivalités de longue date entre deux communautés - les Hema, qui sont traditionnellement des éleveurs, et les agriculteurs Lendu.
La Conseillère spéciale observe avec préoccupation l'escalade de la violence et condamne fermement les attaques aveugles généralisées qui seraient menées principalement par le CODECO, mais aussi le groupe armé Zaïre et d'autres qui manipulent les tensions intercommunautaires et ciblent les civils selon des critères ethniques.
Mme Nderitu est également préoccupée par les informations faisant état de multiples attaques perpétrées contre des camps de personnes déplacées, ainsi que de l'utilisation systématique de la violence sexuelle comme arme de guerre et du non-respect par les autorités de leur devoir de prévention de la violence. « L'impunité ne peut prévaloir. Lorsque de tels crimes odieux sont commis, les auteurs ne doivent jamais s'en tirer », a-t-elle souligné. « La situation en Ituri reste extrêmement volatile. Si nous n'agissons pas rapidement, la région pourrait être engloutie dans des atrocités comme cela s'est produit dans le passé ».
Avec ONU Info