La région du Kasaï a fait face à de terribles violences en 2016 et 2017. De graves violations des droits de l’homme y ont été commises. Alors que des familles des victimes et des organisations de la société civile réclament que justice soit faite, des rapports d’organisations internationales pointent le manque de moyens de la justice militaire, qui ne facilite pas la lutte contre l’impunité.
Pour permettre à la justice de remplir correctement sa mission et faire la lumière sur ce qui s’est passé au Kasaï, la MONUSCO lui apporte une aide substantielle.
Appui à l’organisation des procès
Le 16 mars dernier, le tribunal militaire de Kananga a reconnu coupable le chef milicien Laurent Nsumbu Katende de meurtres, tortures, pillages, viols et l’a condamné à la prison à perpétuité. Ce verdict a été prononcé au terme d’audiences foraines, qui se sont tenues pendant une semaine au village de Nkongolo Moshi notamment grâce à l’appui de la MONUSCO et d’autres organisations.
L’appui à l’organisation du procès, qui a conduit à la condamnation du chef milicien Laurent Nsumbu Katende, est une illustration des efforts fournis par la MONUSCO aux côtés de la justice congolaise pour que les crimes graves commis au Kasaï soient punis.
Appui aux enquêtes
Depuis 2017, plusieurs sections du bureau de la mission onusienne à Kananga aident également le parquet militaire dans ses enquêtes.
L’auditeur militaire supérieur de l’ex-Kasaï-Occidental, colonel Bwamulundu, parle d’un partenaire de choix.
«C’est un partenaire sûr qui nous aide dans les enquêtes et les poursuites des crimes graves qui ont été commis dans l’espace Kasaï», fait savoir le colonel Bwamulundu, qui souligne notamment l’apport du bureau conjoint des Nations unies pour l’identification des victimes et des témoins.
En mars 2017, une opération de l’armée a été menée dans la commune de la Nganza, considérée comme un bastion de la milice Kamuina Nsapu. L’équipe d’experts de l’ONU, qui ont enquêté sur les violences au Kasaï, ont établi que des tueries des civils ont été perpétrées par les forces de l’ordre au cours de cette opération.
Depuis le parquet militaire mène des enquêtes. Enquête appuyée par plusieurs sections du bureau de Kananga de la MONUSCO.
«Dans l’affaire Nganza, nous sommes allés jusqu’à 886 [victimes et témoins interrogés, NDLR]. Et le bureau conjoint (des Nations unies aux droits de l’homme) était avec nous tous les jours sur le terrain pour la protection des victimes et témoins. Il nous accompagnait. Nous avons fait un mois à Nganza», se rappelle l’auditeur supérieur.
Parmi les dossiers dans lesquels la MONUSCO a appuyé le parquet militaire, il y a également les enquêtes menées dans la localité de Tshisuku.
Des militaires sont accusés d’avoir ouvert le feu sur des civils présents dans le marché hebdomadaire organisé dans cette localité du territoire de Dibaya en mai 2017. Des témoins parlent d’une centaine de personnes tuées ou blessées.
Et le départ de la MONUSCO ?
La section des droits de l’homme de la MONUSCO encourage également les victimes, dont elle assure la protection, à témoigner pour faire avancer les enquêtes menées au sujet des violations des droits humains enregistrées au Kasaï.
Dans certains dossiers comme le massacre présumé des civils à la Nganza ou le viol présumé des femmes à Mulombodi, les sections des droits de l’homme et d’appui à la justice ont également assisté le parquet dans ses enquêtes.
Alors que la MONUSCO prépare son retrait de la région du Kasaï, certains ténors du barreau redoutent que ce départ mette fin à l’assistance apportée à la justice. C’est notamment le cas de l’ancien bâtonnier, Me Dominique Kambala.
«C’est à travers la MONUSCO, les organismes des Nations unies que la justice a été appuyée. Vous vous rappellerez il y a les enquêtes conjointes qui ont été menées qui ont permis que la plupart des dossiers soient fixés. Maintenant que la MONUSCO part, le secteur de la justice risque d’être encore davantage pauvre en termes des ressources, en termes de moyens. Ça aura un coup fatal par rapport à la justice», prévient l’avocat.
En visite à Kananga les 24 et 25 mars derniers pour faire un état des lieux du processus de retrait de la MONUSCO, la cheffe de la mission onusienne a annoncé que certaines composantes comme les droits de l’homme vont rester pour appuyer les institutions congolaises dans la lutte contre l’impunité.
«Le travail contre l’impunité se fait avec les composantes de Droits de l’homme de la MONUSCO et dans leur travail, elles appuient, par exemple, l’auditorat militaire qui est en train de faire du bon travail et appuient le barreau. Ces composantes vont rester pour continuer à accompagner la province», a assuré Bintou Keita.