Jean-Bosco Mukanda, principal témoin devenu suspect dans le procès du meurtre des experts de l’ONU au Kasaï a changé une nouvelle fois son récit sur son séjour à Kananga dans les jours qui ont précédé l’exécution de Zaida Catalan et Michael Sharp. Au cours de l’audience de lundi 21 janvier, il affirme à nouveau qu’il a effectivement séjourné à Kananga la semaine précédant le meurtre, confirmant ainsi son premier récit.
«J’étais à Kananga»
Depuis le début de ce procès, Jean-Bosco Mukanda relate qu’il était à Kananga les jours qui ont précédé la date du 12/03/2017, jour où les experts ont été tués.
Pour expliquer ce séjour dans la ville, l’enseignant qui donne des cours à Bunkonde soutenait qu’il était allé chercher de l’argent pour se faire soigner après avoir été «torturé» par des miliciens qui l’accusaient d’être de mèche avec les militaires.
C’est le 12 mars 2017 qu’il rentre chez lui à Bunkonde… à vélo. Le témoin affirme même avoir vu les experts et leurs accompagnateurs à moto les dépasser sur la route vers Bunkonde. Arrivé à Moyo Musuila quelques heures après, c’est là qu’il aurait appris la nouvelle de l’exécution de «deux blancs».
Ce récit, M. Mukanda l’a repris pendant plusieurs mois. Depuis décembre 2018 : changement de version. Jean Bosco Mukanda affirme désormais qu’il n’a pas séjourné à Kananga mais plutôt à Mukengele, son village natal. C’est de là qu’il serait parti le 12 mars 2017 pour regagner Bunkonde.
Le huis-clos
Depuis ce changement de récit, le tribunal, le ministère public et la défense somment le témoin de s’expliquer.
Jean-Bosco Mukanda affirme alors que c’est un «avocat» - dont il ne révèlera jamais l’identité - qui lui avait conseillé de mentir au tribunal au sujet de ce séjour à Kananga.
Les raisons de ce nouveau volte-face sont peut-être à rechercher au cours de l’audience du 20 décembre. Ce jour-là, pressé par le ministère de s’expliquer sur son changement de récit, le témoin exige le huis-clos.
C’est depuis ce huis-clos que Mukanda a une nouvelle fois changé son récit, confirmant sa première version dans laquelle il soutenait avoir séjourné dans la ville. C’est ce qu’il a déclaré au tribunal lundi.
Un séjour et des questions
Pourquoi ce séjour à Kananga intéresse autant le tribunal ?
Au début du procès, cette séquence du récit de Mukanda ne semblait pas intéressé grand monde. Jusqu’au jour où l’un des prévenus a fait une révélation au tribunal. Vincent Manga qui accuse le témoin d’être l’un des principaux auteurs de l’exécution des experts confie que c’est Jean-Bosco Mukanda qui est allé chercher les munitions à Kananga quelques jours avant la mort de Zaida Catalan et Michael Sharp.
Ce séjour devient alors un élément important dans la reconstitution des faits qui se sont passés avant le meurtre des experts.
Jean-Bosco Mukanda a-t-il effectivement séjourné à Kananga pour chercher des munitions ? Les a-t-il trouvées ? Auprès de qui ? Qui a-t-il rencontré à Kananga ? Autant de questions encore sans réponse à ce stade du procès.
Le principal témoin devenu suspect, lui, assure avoir séjourné à Kananga pendant cinq jours pour trouver de l’argent auprès de sa famille pour ses soins médicaux. Il assure n’avoir rencontré aucune autorité militaire ou civile.
Et au sujet du meurtre des experts, il affirme n’être qu’un témoin qui s’est retrouvé à Moyo Musuila peu après la mort de Zaida Catalan et Michael Sharp et en a informé les autorités.