Alors que la RDC sera l’objet d’un dialogue interactif au cours de la 38e session du conseil des droits de l’ONU en juillet prochain, sa ministre des Droits humains a mis en garde mercredi 20 juin les pays qui voudraient utiliser cette tribune « pour régler des comptes aux dirigeants qui ne leur plaisent pas ».
Au cours de cette session du conseil des droits de l’homme, l’équipe d’experts internationaux nommés pour enquêter les violations des droits de l’homme au Kasaï - région du Centre de la RDC déchirée par des violences en 2016 et 2017 – va présenter son rapport final.
La ministre congolaise des Droits humains, qui va prendre part à cette réunion dit attendre de ce rapport «la manifestation de la vérité en toute indépendance ». Marie-Ange Mushobekwa, qui vient d’effectuer une visite de trois jours au Kasaï, affirme que les enquêtes lancées par les autorités congolaises sur les crimes commis dans cette région « ont beaucoup évolué ».
A l’occasion de sa visite à Kananga, elle a nous a accordé une interview.
Radio Okapi : Vous êtes en visite à Kananga dans cette région qui a connu de terribles violences en 2016 et 2017. Quelle est la situation actuelle des droits humains ?
Marie-Ange Mushobekwa : la situation des droits de l’homme dans cette province reste préoccupante mais moins préoccupante qu’il y a 6 mois, 9 mois. Il y a beaucoup de choses qui ont évolué parce que les violences ont sensiblement baissé. L’Etat congolais a pris l’engagement de poursuivre le processus de réconciliation à travers la sensibilisation des populations locales mais également de poursuivre les enquêtes pour faire la lumière sur les atrocités qui ont endeuillé le Kasaï afin de rendre justice aux victimes. Je pense aux deux experts des Nations unies, Zaida Catalan et Michael Sharp. Je pense aux quatre accompagnateurs de ces deux experts des Nations unies, dont deux seulement ont été retrouvés jusqu’à ce jour. Je pense à tous les policiers congolais qui ont été tués, décapités par les miliciens. Je pense aux FARDC [les militaires congolais, NDLR] qui ont également perdu la vie. Je pense à toutes les victimes civiles innocentes. Ces meurtres ne resteront pas impunis. Chacun devra répondre de ses actes devant les instances judiciaires.
Vous en parliez tantôt. Parmi les atrocités commises au Kasaï pendant le conflit, il y a le meurtre de deux experts des Nations unies et de leurs accompagnateurs congolais. Où en sont les enquêtes ?
Les enquêtes évoluent. Les enquêtes de l’ONU ont beaucoup évolué. Celles du gouvernement que je suis en train de mener – les équipes du ministère des Droits humains sont ici depuis plusieurs jours, moi-même je suis venue en renfort. Les enquêtes évoluent très bien. De l’autre côté, l’auditorat militaire poursuit les enquêtes avec les experts des Nations unies venus de New York, afin d’apporter l’appui technique aux magistrats militaires congolais. Je ne peux pas vous donner les détails de ces enquêtes tant qu’elles n’auront pas abouti. Mais rassurez-vous que les conclusions seront rendues publiques et que les procès seront organisés.
Justement. Le procès sur la mort de deux experts de l’ONU ne se tient plus depuis plusieurs mois. Est-ce que vous savez pourquoi ?
Le procès ne se tenais plus parce que l’auditorat militaire m’avait expliqué qu’on attendait évoluer, mettre la main sur certaines personnes clé impliquées dans le meurtre de deux experts des Nations unies. Les choses ont beaucoup évolué. Comme je venais de vous le dire tout à l’heure, je ne vous en dirai pas plus. Vous savez, ces enquêtes prendront beaucoup de temps. La où il y a eu mort d’hommes, on ne peut pas conclure les enquêtes en deux, trois mois parce que les mêmes personnes qui critiquent si on organise des procès sans avoir bien mené les enquêtes et de pouvoir bien établir les responsabilités et qu’on condamnait les innocents, on va crier à la violation des droits de l’homme. Les enquêtes prendront le temps qu’elles prendront mais rassurez-vous que justice sera rendue aux victimes.
Vous aviez promis que le gouvernement ne ménagerait aucun effort pour que la lumière soit faite sur les crimes commis au Kasaï. Est-ce qu’on en sait un peu plus sur les responsabilités des uns et des autres sur ce qui s’est passé dans cette région en 2016 et 2017 ?
On en sait beaucoup plus. Chaque jour davantage depuis que les enquêtes avaient commencé. Mais encore une fois. Je ne vous en dirai pas plus.
Des fosses communes avaient été identifiées dans certaines zones de la région pendant le conflit. Est-ce que les enquêtes ont permis d’en identifier le nombre exact ?
Les enquêtes se poursuivent et je ne vous en dirai pas plus. On a beaucoup évolué. Les experts des Nations unies sont toujours ici à Kananga. Je ne vous en dirai pas plus.
Dans quelques jours, il y a un dialogue au conseil des droits de l’homme à Genève sur la RDC. Vous y participerez ?
C’est sûr que j’y participerai le 3 juillet prochain. J’aurai l’honneur de représenter le gouvernement congolais a ce dialogue.
A cette occasion, il y aura les experts des Nations unies qui vont rendre leur rapport sur la situation au Kasaï. Qu’est-ce que vous en entendez ?
J’attends la manifestation de la vérité en toute indépendance. Et j’espère que le conseil des Nations unies aux droits de l’homme ne sera pas une tribune utilisée par certaines puissances pour régler des comptes aux dirigeants qui ne leur plaisent pas.
Vous pensez qu’il y a possibilité qu’on utilise cette tribune-là pour nuire au gouvernement congolais ?
Je suis allée plusieurs fois à Genève. Je vous dis que ce ne sont pas les enfants de cœur qui y sont. Du moins, je ne parle pas du Haut-commissaire. Mais je parle des représentants de certains pays. Le Haut-commissaire est un homme respectable qui essaie de rester au-dessus de la mêlée. Mais je vous dis que tous les pays qui siègent au conseil des Nations unies aux droits de l’homme n’ont pas une grande sympathie peut-être pour le gouvernement congolais. Ce ne sont pas des enfants de cœur. Et nous n’espérons pas que tous nous fassent des bisous.
Propos recueillis par Joël Bofengo.