Le ministre des Sports, Baudouin Banza Mukalay Sungu, a retiré l’agrément à la Fédération congolaise de tennis de table. Cette décision a été prise après la rencontre organisée lundi 14 octobre dans la matinée avec les membres des bureaux exécutifs du Comité olympique congolais (COC) et les délégués officiels de différentes fédérations sportives.
Selon l’arrêté de Banza Mukalay, les statuts de la fédération de Tennis de table ne sont pas conformés à la loi sportive du 24 décembre 2011 et ses mesures d’applications. En outre, selon le même document, cette fédération n’est pas présente dans au moins six provinces comme l’exige la loi.
« Ne peut être agréée qu’une fédération, ayant en son sein, au moins six ligues provinciales et affiliée à une fédération internationale », article 39 de la loi sportive, alinéa 2.
A en croire le ministre des Sports, le président de cette fédération a fait fuir sa fille Lombo Faty à Paris (France), après les 7e Jeux de la Francophonie à Nice (France). Une dizaine d’athlètes congolais qui participaient à ces jeux n’ont pas attendu qu’ils soient achevés pour s’évaporer dans la nature en septembre dernier.
Banza Mukalay dit ne pas comprendre qu’un responsable d’une fédération « prenne ses enfants, les laisse à Paris et viennent ici pour injurier les autorités du pays ».
«Comment voulez-vous qu’il y ait des gens dans ce pays qui trouvent du plaisir à voir les athlètes ridiculiser leur pays. Comment peuvent-ils se sentir à l’aise alors que le sport devait conduire à la loyauté, à la maîtrise de soi, à l’honnêteté, à la vérité ? Comment peuvent-ils soutenir les gens qui trahissent leurs engagements ? », s’interroge le ministre.
« Pressions »
Le président de la Fédération de Tennis de table, Saint-Augustin Mwana Bute wa Mbote Mbote, déclare n’avoir pas été notifié de ce retrait d’agrément.
« J’apprends ça de vous, je ne suis pas notifié », a-t-il répondu mardi à Radio Okapi qui sollicitait sa version. Mais il pense tout de même que le ministre aurait été induit en erreur par le secrétaire général aux Sports qui aurait fait « un faux rapport » au ministre à l’issue des Jeux de la Francophonie dont il conduisait la délégation congolaise à Nice.
« Je sais que le secrétariat général aux Sports faisait de la pression au ministre des Sports pour qu’une telle décision soit prise »,a-t-il martelé.
« Je ne sais pas quel est cet article qui dit que lorsque vous avez des athlètes qui ont fait défection, la sanction doit être celle là [le retrait d’agrément] », s’interroge Saint-Augustin Mwana Bute wa Mbote Mbote.
« Le ministre a raison »
Abordant l’aspect juridique de ce dossier, Me Alain Makengo, le président de la Ligue pour la promotion et la défense des droits de l’homme (Lisped), estime que « le ministre a raison ». Il s’appuie sur les articles 33 et 55 de la loi sportive du 24 décembre 2011.
Ces deux lois stipulent :
Article 33
Ne peuvent bénéficier du concours du pouvoir central, des provinces, des entités territoriales décentralisées, des établissements publics ou des entreprises publiques que les associations sportives agréées et dotées de la personnalité juridique.
Article 55
Le ministre ayant les sports dans ses attributions veille au bon fonctionnement des organismes sportifs ainsi qu’au respect de l’éthique au sein du mouvement sportif.
Il contrôle les organismes détenteurs de la délégation du pouvoir, sans toutefois faire immixtion dans les aspects internes des disciplines régies par les organisations sportives internationales.
« Dès lors que le ministre de la Jeunesse et des Sports qui agrée ces fédérations pour que les services publics soient mis en mouvement par ces fédérations, par principe de parallélisme, le même ministre qui les agrée, peut aussi les retirer sur base de la loi », explique Me Alain Makengo.
Le président de la Lisped estime que la décision du ministre des Sports ne devrait pas être perçue comme de l’immixtion du politique dans le sport:
«C’est lui qui gère parce que c’est lui qui gère la politique nationale des sports. S’il estime qu’une fédération a failli à sa mission, il doit sanctionner. Mais reste à savoir s’il a écouté cette fédération ou si la décision a été prise de façon unilatérale ».
Le ministère des Sports ne pourra s’expliquer sur cette question que si la fédération internationale de Tennis de table le lui demande, explique Me Alain Makengo.
« Si la fédération internationale d’Athlétisme demande le rapport [sur cette question], il revient au ministère de s’expliquer. Moi j’aurais souhaité que le ministre écoute les parties incriminées avant de prendre une telle décision. Si elles n’ont pas été entendues, je crois que la démarche est biaisée », soutient-il.
Le président de la Lisped indique que les fédérations sont des associations sans but lucratif (Asbl), mais pas à part entière, « puisqu’elles dépendent aussi de l’Etat par rapport à l’exercice de leurs disciplines ».
« Tout ce qu’elles font, les fonds proviennent de l’Etat. L’Etat étant pourvoyeur, il a la mainmise sur ça mais ne peut pas s’immiscer dans les affaires internes des disciplines qui sont régies par les règles tant internes qu’internationales », ajoute Me Alain Makengo, qui précise cependant: « ça va créer un précédent mais le ministre a raison ».
Me Alain Makengo craint que la fédération ne puisse être en mesure d’introduire un recours. La commission nationale d’arbitrage de litiges sportives, pourtant prévue par la loi, n’est pas encore été mise sur place.
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