Assemblée nationale : motion de défiance, des députés prêts à saisir la Cour suprême pour interprétation

Un groupe de députés nationaux, aussi bien de la majorité que de l’opposition, se prépare à déposer une requête à la Cour suprême de justice pour l’interprétation des articles 90, 146 et 147 de la Constitution concernant la motion de défiance. Cette démarche a été annoncée mercredi dernier à l’Assemblée nationale par le député Albert Fabrice Puela dans une motion d’information, rapporte radiookapi.net

Selon ce député de l’ARC, parti politique allié de l’AMP (Alliance de la majorité présidentielle), l’Assemblée nationale a usurpé les prérogatives de la justice en soumettant au vote, samedi dernier, une motion incidentielle sur la recevabilité de la motion de défiance contre le Premier ministre. Qu’adviendrait-il si ce groupe déposait sa requête auprès de la Cour suprême de justice ?

Les observateurs voient deux éventualités possibles. Soit que la haute cour confirme l’interprétation que s’est faite le député Pius Mwabilu, initiateur de la motion incidentielle sur la motion de défiance contre le Premier ministre. Interprétation selon laquelle, seule une motion de censure peut être adressée au chef du gouvernement compte tenu de ses conséquences ; soit qu’elle donne raison aux initiateurs de la motion de défiance pour dire que celle-ci peut également être appliquée au Premier ministre.

Si l’arrêt dans l’un ou l’autre sens de la Cour suprême de justice permet de clarifier à quel moment la motion de défiance peut être utilisée, cela permettrait ainsi aux députés de savoir à quoi s’en tenir pour le futur. Mais plusieurs hommes de loi contactés disent que l’interprétation de la haute cour n’aura aucune incidence matérielle sur l’Assemblée nationale. Elle aura juste pour conséquence, si pour la CSJ le Premier ministre peut être mise en cause par une motion de défiance, d’entacher la crédibilité de la chambre basse. Et, peut-être aussi, sur le plan politique, de provoquer une fracture au sein de l’AMP.

Pour rappel, le samedi dernier, la majorité des députés nationaux s’étaient prononcés en faveur d’une motion incidentielle de Puis Mwabilu. Ce dernier estimait que le premier ministre devait faire l’objet d’une motion de censure et non d’une motion de défiance. Adoplhe Muzitu était accusé par le député de l’opposition Clément Kanku d’immobilisme et de mauvaise gestion. La motion de défiance qui était déposée contre lui à ce propos, a été rejetée à la suite de la motion incidentielle susmentionnée.

Cas Trésor Kapuku et d’autres…

Ce ne sera pas la première fois que la Cour suprême de justice sera saisi pour arbitrer sur l’interprétation d’une motion. Il y a eu le cas du gouverneur du Kasai-Occidental, Trésor Kapuku qui avait été frappé par une motion de défiance par l’assemblée provinciale dans le deuxième semestre de 2 007. Le gouverneur déchu avait introduit un recours auprès de la Cour d’appel de Kananga qui, lors d’une séance publique le 21 juin de la même année, décida de saisir à son tour la Cour suprême de justice. Et plus de trente jours après, la haute cour prononça son verdict : la motion de défiance contre Trésor Kapuku était inconstitutionnelle. Elle avait péché contre les articles 146 et 148, alinéa 6 de la Constitution. La Cour suprême reprochait aux députés provinciaux du Kasai-Occidental d’avoir voté une motion contre un gouverneur dont le gouvernement n’avait pas encore été investi. Kapuku a ainsi été réhabilité.
rnPuis vint l’épisode de la motion contre le gouverneur du Sud-Kivu de l’époque, Célestin Cibalonza. Le 12 décembre 2 007, ce dernier avait été frappé par une motion de censure. Il saisit directement la Cour suprême de justice, et le 26 décembre, celle-ci rendit un arrêt favorbale au gouverneur. La motion votée contre lui était tout simplment illégale pour n’avoir pas suivi la procédure, avait expliqué la CSJ. Mais, contre toute attente, Célestion Cibalonza déposera sa démission au président de la République le 2 février 2 008. Celui-ci en prit acte.

Une exception

L’ancien gouverneur de l’Equateur, José Makila n’aura pas la même chance que ses ex-collègues du Kasai-Occidental et du Sud-Kivu. Une motion de défiance avait été votée contre lui en janvier 2 009 à l’assemblée provinciale. Il saisit à la fois la Cour d’appel de Mbandaka et la Cour suprême de justice. L’épisode avait duré 9 mois avant que la Cour suprême ne déclare irrecevable sa requête en annulation dans un arrêt rendu public le 21 septembre.
Donc, concernant les trois requêtes pour lesquelles la CSJ a été saisie, la suite a été la même, excepté pour celle de José Makila. Cibalonza était du PPRD, Kapuku du RCD allié local de l’AMP, et Makila du MLC.

Quel sort réservera la haute cour à la démarche que se propose d’entreprendre un groupe de députés nationaux en introduisant une requête en interprétation sur la même matière ? L’avenir nous le dira.