Les réactions se multipliées depuis la publication du calendrier de l’élection des gouverneurs dans onze provinces. L’Association congolaise pour l’accès à la justice (ACAJ), par exemple, s’étonne que l’élection du gouverneur du Kasaï-Central soit programmée alors que l’actuel gouverneur Alex Kande est encore en fonction. Le sénateur Jacques Djoli, pour sa part, désapprouve l’organisation des élections dans les provinces où les gouverneurs ont été réhabilités par la Cour constitutionnelle après avoir été déchus par les députés provinciaux. A la commission électorale, le rapporteur adjoint répond que son institution n’a fait que répondre à la demande du ministre de l’Intérieur d’organiser ces élections.
Alex Kande «n’a jamais démissionné»
«Le gouverneur Kande n’a jamais démissionné. Il n’a jamais été révoqué. Aucune motion n’a été votée contre lui ni contre son gouvernement. Aucune loi congolaise n’admet que dans pareille circonstance, on puisse organiser les élections dans notre province», explique Me Adrien Ilobakweyi, président provincial de l’ACAJ au Kasaï-Central.
Il rappelle qu’Alex Kande, actuel gouverneur du Kasaï-Central, a un mandat électif auquel rien n’a mis officiellement fin. Me Adrien Ilobakweyi se demande ce qui peut conduire la commission électorale à organiser l’élection d’un nouveau gouverneur dans ces conditions.
«L’ACAJ estime que nous ne sommes pas dans une république bananière où la volonté du législateur n’est pas respectée», déclare-t-il, invitant le président de la République ou le ministre de l’Intérieur à convaincre Alex Kande à démissionner avant de laisser la commission électorale organiser l’élection de son successeur.
Elu gouverneur du Kasaï-Occidental en décembre 2012, Alex Kande a été porté à la tête du Kasaï-Central en 2016 à la suite du démembrement de la première province. Depuis le début du mois de février 2017, il a été convoqué à Kinshasa pour une « mission de service ». Il n’est plus retourné dans sa province.
Violation de la constitution
Pour le sénateur Jacques Djoli qui est également professeur de droit constitutionnel, l’organisation des élections des gouverneurs dans certaines provinces viole la constitution. Il cite le cas des provinces où les gouverneurs ont été déchus par leurs assemblées provinciales avant d’être réhabilités par la Cour constitutionnelle.
Dans le calendrier des élections des gouverneurs, la commission électorale prévoit notamment d’organiser ce scrutin à la Tshuapa et dans le Haut-Katanga. Les gouverneurs de ces deux provinces (Cyprien Lomboto et Jean-Claude Kazembe) ont pourtant été réhabilités par la Cour constitutionnelle après leur destitution par les assemblées provinciales.
A (re)Lire à ce sujet:
La Cour constitutionnelle réhabilite le gouverneur du Haut-Katanga
Le gouverneur de la Tshuapa réhabilité par la Cour constitutionnelle appelle à l’unité
«Il se pose un sérieux problème de constitutionnalité de la démarche de la CENI», déplore Jacques Djoli, rappelant que les «arrêts de la cour [constitutionnelle] s’imposent à toutes les institutions».
Pour le sénateur, tant que ces gouverneurs n’ont pas déposé leurs démissions, «nous ne pouvons pas aller aux élections ».
Augustin Kikukama, président du M17, partage ce point de vue. «Il faut absolument que les textes juridiques, les lois et notre Constitution soient respectés», insiste-t-il, appelant à ne pas «instrumentaliser» la commission électorale.
Pour M. Kikukama, il n’appartient pas au ministre de l’Intérieur de décréter la vacance de pouvoir à la tête des provinces.
Vous pouvez écouter ses explications dans cet extrait sonore.
/sites/default/files/2017-07/20170720-entretien-augustin-kikukama_1min02sec.mp3
Vacance de pouvoir
De son côté, le rapporteur de la commission électorale, Onésime Kukatula, soutient que les élections des gouverneurs de 11 provinces «s’organisent dans un contexte de constat de vacances».
«La CENI a été notifiée par le ministre de l’Intérieur pour constater des vacances [à la tête de ces provinces», explique-t-il. Interrogé par Radio Okapi, sur le fait que dans certaines provinces où l’élection doit avoir lieu, les gouverneurs sont encore en fonction, il répond que la commission électorale ne fait que répondre à la «notification» du ministre de l’Intérieur.
«La CENI est saisie. Elle a été notifiée par le ministre de l’Intérieur. C’est lui qui connaît les provinces qui connaissent des vacances. La CENI se contente de la notification», a dit à Radio Okapi le rapporteur adjoint de la commission électorale.
M. Kukatula précise que dans 8 provinces (Haut-Katanga, Haut Lomami, Kasaï-Central, Kwilu, Sud-Kivu, Sud Ubangi, Tshopo et Tshuapa), ce sont les gouverneurs et vice-gouverneurs qui seront élus. Dans les 3 autres (Equateur, Bas Uele et Mongala), seuls les vice-gouverneurs seront élus.
Vous pouvez écouter les explications du rapporteur adjoint de la commission électorale dans cet entretien qu’il nous a accordé.
/sites/default/files/2017-07/20170720-entretien-kukatula_3min48sec.mp3