Dans une lettre datée du mardi 7 mai, Human Rights Watch demande au chef de l’Etat congolais Joseph Kabila de « mettre fin à l’impunité pour les auteurs de graves violations des droits de l’homme ». « Nous vous adressons cette lettre afin de vous faire part de nos préoccupations et vous présenter des recommandations en ce qui concerne la situation en matière de droits humains dans l’Est de la République démocratique du Congo, et de souligner combien il importe de mettre fin à l’impunité pour les auteurs de graves violations de ces droits », indique la correspondance.
Pour Human Rights Watch, le gouvernement congolais ne devrait conclure d’accord avec aucun chef de guerre ayant commis des exactions, quelle que soit son appartenance politique, ethnique ou autre.
L’ONG dit notamment espérer que des dirigeants de la rébellion du M23 suspectés d’avoir commis de graves violations des droits humains comme Baudouin Ngaruye et Innocent Zimurinda (qui sont actuellement au Rwanda), Sultani Makenga et Innocent Kayna seront arrêtés et traduits en justice.
Le gouvernement congolais est actuellement en pourparlers avec le M23, rébellion créée en mai 2012 et constituée des mutins de l’armée congolaise, à Kampala en Ouganda. Ces rebelles réclament l’application de l’accord du 23 mars 2009 signé entre le gouvernement congolais et l’ancienne rébellion du CNDP d’où sont issus les dirigeants du M23. Cet accord prévoyait notamment la réintégration de ces rebelles dans l’armée et la police congolaise.
« Nous considérons comme encourageantes les déclarations que vous avez faites au cours des douze derniers mois, dans lesquelles vous avez affirmé clairement que le gouvernement congolais n’accorderait aucune amnistie aux dirigeants du M23 qui sont sous le coup de sanctions de l’ONU ou de mandats d’arrêt pour crimes de guerre ou crimes contre l’humanité », lit-on dans cette lettre.
« Pendant trop longtemps, estime Human Rights Watch, la politique consistant à intégrer des chefs de guerre auteurs d’exactions dans les rangs de l’armée et à leur accorder des grades élevés et de l’influence, n’a fait que perpétuer le phénomène de l’impunité en RD Congo, ce qui revenait à récompenser le recours à la violence ».
L’ONG réclame également l’arrestation des combattants d’autres groupes armés qui se sont rendus coupables d’exactions contre des civils.
« Parmi ces milices figurent le groupe armé Raia Mutomboki, les Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR), les Nyatura, les Maï Maï Sheka, l’Alliance patriotique pour un Congo libre et souverain (APCLS), les Maï Maï Yakutumba, le Front de la résistance patriotique de l’Ituri (FRPI) et les combattants Maï Maï au Katanga. Des centaines de civils ont été tués et des dizaines de villages rasés par ces groupes au cours des douze derniers mois », indique la lettre de Human Rights Watch.
L’ONG demande aussi au chef de l’Etat congolais « de relever de leurs fonctions, soumettre à des enquêtes et poursuivre en justice de manière appropriée les membres des forces de sécurité congolaises impliqués dans des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et d’autres violations graves des droits humains, quel que soit leur grade ».
Dans l’annexe qui accompagne sa lettre, Human Rights Watch accuse l’armée congolaise d’avoir commis de graves exactions avant et après la naissance de la rébellion du M23.
Alors que les militaires de l’armée nationale fuyaient devant l’avancée du M23 vers la ville de Goma, ils [les militaires congolais] se sont livrés à un déchaînement de viols et de pillages: au moins 76 femmes et filles ont été violées par des militaires de l’armée congolaise dans et aux alentours de la ville de Minova, dans la province du Sud-Kivu, entre le 20 et le 30 novembre 2012, selon les résultats de recherches effectuées par Human Rights Watch.
L’ONG se dit consciente du fait que les violences et les exactions continuent, mais espère que « le gouvernement congolais, avec un soutien international, pourra faire de réels progrès au cours des prochains mois sur la voie d’un meilleur respect des droits humains et d’une justice plus aboutie ».
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