La police de la MONUSCO (UNPOL), a formé cette semaine des policiers congolais à la lutte contre l’extrémisme violent à caractère religieux. Du lundi au vendredi 20 octobre, quarante officiers et agents de la Police nationale congolaise de Beni et Oicha ont notamment appris les techniques d’investigation pour savoir identifier des individus susceptibles, par exemple, de commettre des attentats avant qu’ils ne passent à l’acte.
« Il y a un problème de terrorisme à Beni », confirme le commissaire supérieur adjoint François Kalonda, de la Légion nationale d’intervention (LENI). Il a fait partie de l’équipe des formateurs.
Pour lui, il ne fait aucun doute, les policiers de Beni doivent être formés aux questions liées au terrorisme :
« Il y a maintenant dix ou douze ans, il y a un problème de terrorisme dans ce milieu. Et nous devons rôder les personnes aux pratiques, aux méthodes, aux tactiques qu’utilisent les terroristes pour leur permettre d’identifier les terroristes, les suivre et les arrêter », argumente-t-il.
Le commissaire principal Israël Mumbere Mutoto, commandant du commissariat de Mbau- à 20 kilomètres de la ville de Beni, ne dit pas autre chose.
Détecter des signaux faibles
Il a vu se multiplier ces dernières années à Mbau des actes qu’on pourrait qualifier de terroristes. Le 19 octobre 2012 par exemple, des hommes armés font irruption dans un couvent et enlèvent trois prêtres de la paroisse catholique Notre Dame des Pauvres de Mbau. Ils n’ont jamais été retrouvés.
« C’est clairement un acte terroriste parce que le terrorisme consiste à poser des actes de nature à créer de la terreur. Quand on enlève des prêtres d’une paroisse, cela sème de la terreur parmi tous les croyants », note le commandant de police.
Pendant les cinq jours de formation, les discussions ont notamment tourné autour de la détection des comportements des personnes qui se radicalisent.
« Une personne qui commence à présenter des signes de radicalisation peut être reconnue dans la communauté quand on fait bien attention. Notre formation a porté sur ces signes. Il y a notamment l’isolement. L’individu commence à s’isoler de sa famille, de ses proches et à ne vouloir discuter qu’avec des personnes qui partagent sa nouvelle idéologie », détaille le commissaire principal Israël Mumbere Mutoto.
Ce sont ces signaux que les policiers ont appris à identifier.
Car, comme l’explique le formateur François Kalonda, en matière de terrorisme, il faut mettre l’accent sur la prévention. Une fois que l’individu passe à l’acte, on peut déjà dénombrer des victimes.
« Avant, c’était l’intuition »
Le commandant du commissariat de Mbau affirme que lui et ses hommes ont déjà eu à intervenir notamment sur la base des dénonciations de proches ou de voisins. Mais il avoue qu’ils manquaient de méthode :
« Nous l’avons déjà fait par intuition parce que le terrorisme est aussi une forme de criminalité. Mais cette formation vient maintenant nous fixer pour que nous puissions travailler de manière méthodique ».
L’une des faiblesses qu’il dit déceler dans l’action intuitive contre l’extrémisme violent, c’est l’absence de preuves matérielles qui, en définitive, vont permettre aux juges de décider correctement.
« Avant, nous faisions des arrestations avec comme seul motif ‘’raisons d’enquête’’. Ici, on a appris qu’il faut avoir des indices sérieux qui aboutissent à des preuves que la personne arrêtée est bien coupable. Quand vous arrêtez sans réunir des preuves solides, le juge finit par décider sa libération », fait savoir le commissaire principal Israël Mumbere Mutoto.
A en croire le commissaire supérieur adjoint Francois Kalonda, les policiers ont également appris à identifier et à suivre les filières de recrutement et de formation des possibles terroristes.
« Avec ces outils ici, annonce-t-il optimiste, ils arriveront à arrêter des terroristes avant qu’ils puissent commettre leurs actions.»
Depuis 2021, Beni et ses environs ont connu des attentats qui ont causé des morts parmi la population civile. Attentats revendiqués par les ADF, qui revendiquent leur affiliation au groupe Etat islamique.
Jean-Tobie Okala.