Une douzaine d’acteurs de la société civile et des Associations de taxis-motos de la ville de Beni ont échangé le mardi 20 juin avec la MONUSCO sur la lutte contre l’insécurité, mais aussi le renforcement de la collaboration entre les deux parties. Un geste de plus, qui témoigne du « renouveau » dans les relations entre la Mission des Nations Unies et cette couche de la population souvent en pointe lors des manifestations anti-MONUSCO. Les eux partenaires ont promis de renforcer leur collaboration et de se retrouver régulièrement.
Adjedje Kambale Kisambya, délégué des motards de l’Association Fédération nationale des entrepreneurs du Congo (FENECO), le dit fièrement, non sans une petite gêne. Il fait partie des 11 représentants (dont 2 femmes) des Associations de taximen motos et de la société civile de la commune de Mulekera venus ce mardi 20 juin 2023 au Quartier général de la MONUSCO pour un échange avec le Chef de Bureau.
« Avec le temps, nous avons compris que nous étions floués par des personnes de mauvaise foi. Vous savez, lors des événements de l’année dernière, les personnes qui caillaissaient les convois de la MONUSCO n’étaient même pas des taximen motos, mais plutôt des infiltrés et des casseurs », affirme-t-il.
« Nous n’avons aucun problème avec la MONUSCO »
Il le dit avec certitude, car en travaillant avec les chefs de parkings de taxi-motos, il affirme que les taximen motos avaient été « maitrisés » par ces derniers. Il y a eu amalgame et aujourd’hui, les taximen motos de Beni ont renoué le dialogue avec la MONUSCO. La rencontre de ce mardi est une preuve des « retrouvailles » entre ces deux partenaires et acteurs clés de la protection des civils.
« Nous n’avons aucun problème avec la MONUSCO », rappelle Papy Kambale, chef de programme au sein de l’ONG AGIR (Action globale intégrée pour la réhabilitation des communautés). Pour lui, le contexte sécuritaire et les incompréhensions sur « qui fait quoi » dans la longue chaine de la protection des civils sont à la base des malentendus. Surtout sur le rôle de la MONUSCO.
« Le contexte sécuritaire de la région suscite un sentiment anti-MONUSCO chez certains qui ne comprennent pas bien son rôle. Nous reconnaissons ce qu’a fait la MONUSCO dans cette région où les gens sont impatients vis-à-vis du rétablissement de la paix. Nous reconnaissons aussi qu’il y a de personnes de mauvaise foi qui distillent de fausses informations sur la MONUSCO ».
Nécessaire collaboration…
Ce que la MONUSCO a fait dans cette région, Josiah Obat, le chef de bureau de la Mission onusienne à Beni, et son adjoint, Abdourahamane Ganda, l’ont rappelé longuement à leurs interlocuteurs ; depuis le début de la Mission jusqu’à ce jour. Mais la MONUSCO n’est pas seule dans le processus de retour de la paix.
« Nous avons un rôle dissuasif, a déclaré Josiah Obat. Mais la population doit comprendre que nous devons travailler ensemble, pas en empêchant la MONUSCO d’exécuter son mandat par des blocages de toutes ou des caillassages de nos convois. Nous devons travailler en étroite collaboration pour résoudre les problèmes ».
Pour Josiah Obat, la MONUSCO fait son travail. Rien que son travail. Aux autres acteurs et partenaires de jouer leurs partitions. Et de se demander :
« Comment comprendre qu’une patrouille de la MONUSCO puisse être bloquée ou caillassée par des manifestants pour des rumeurs sans fondements, alors même que cette patrouille allait peut-être pour une intervention d’urgence afin de sauver des vies ? C’est à se demander si ces personnes sont de connivence avec les assaillants ? ».
« Nos bureaux sont ouverts, venez prendre l’information à la source ».
Et pour lutter contre la désinformation et les rumeurs qui ont empoisonné les relations avec la MONUSCO, Abdourahamane Ganda a invité ses interlocuteurs à toujours prendre le temps de vérifier les informations reçues :
« Si vous entendez quelque chose sur la MONUSCO, s’il vous plait, venez nous voir, nos bureaux sont à votre disposition, vous serez toujours reçus par le chef de bureau ou moi, ou encore par les différents chefs de Sections. Venez à la source vous renseigner avant de prendre action contre. Tout ce qu’on vous dit en ville sur nous est faux. S’il y a des gens qui détiennent des preuves de ce qu’ils avancent, nous les supplions de nous les apporter ».
Papy Kambale de l’ONG AGIR dit avoir « aimé » cette rencontre et entendu l’appel de la MONUSCO. Mais pour y répondre, il sollicite un appui de la Mission pour aider à combattre la criminalité dans la ville de Beni, la principale préoccupation de la population :
« La paix est un long processus dans lequel chacun a son rôle à jouer. Y compris les motards. Car les motards sont très forts en matière de renseignements et d’informations qui peuvent aider les services de sécurité et la MONUSCO. Nous sommes venus ici d’une part pour jeter les ponts du point de vue du renforcement de la collaboration avec la MONUSCO. Mais d’autre part, pour demander un accompagnement de la MONUSCO ».
Mais en quoi consiste cet appui sollicité auprès de la MONUSCO :
« Par exemple des motos mises à notre disposition ou de la police. Nous voyons circuler dans la ville deux engins de la PNC offerts par la MONUSCO. Il arrive parfois qu’on appelle la Police pour signaler tel cas de cambriolage ou d’agression… Elle nous répond qu’elle n’a pas de moyens de déplacement pour intervenir immédiatement, ou alors elle arrive après plusieurs heures… Que la MONUSCO nous aide avec des motos pour renforcer les mécanismes d’alerte. Enfin, nous sollicitons son appui pour nous aider à terminer les travaux de construction de notre clinique qui va soigner les motards ».
« Il faut continuer à se parler, comme on lave son corps chaque jour ».
C’est depuis quelques mois que le dialogue a repris entre la MONUSCO et cette couche de la population civile de Beni. Il y a un mois, la Mission a lancé une formation de trois mois sur le code de la route au profit des taximen motos de la ville. Une autre façon de lutter aussi contre la désinformation dont ces motards sont souvent l’objet. Il faut rappeler que ces échanges se déroulent également dans l’optique du retrait définitif annoncé de la MONUSCO du Congo.
Les deux sollicitations présentées ce jour par ces taximen motos ont été accueillies favorablement par la Mission. Les deux parties ont renouvelé leur engagement à poursuivre ce dialogue à travers la mise en place d’un cadre de concertation. Désormais et une fois par mois, les deux parties vont se retrouver pour faire le point sur l’état de leur collaboration, mais aussi de la lutte contre la criminalité à Beni.
Car comme le dit Adjedje Kambale Kisambya, pour conclure : « il faut continuer à se parler, chaque jour, comme on lave son corps chaque jour. Nous n’avons rien contre la MONUSCO, nous avons compris qu’elle est un acteur majeur de la protection des civils. Ce qu’il s’est passé l’année dernière, il y avait beaucoup de désinformation et de manipulation. Aujourd’hui, le climat est apaisé ; les véhicules de la MONUSCO peuvent circuler librement en ville, nous avons demandé aux jeunes de ne plus leur jeter des cailloux ».
Jean Tobie Okala