Le conseil d’Afriland First Bank saisit la justice pour obtenir l’annulation de la décision mettant sa banque sous administration provisoire de la Banque centrale du Congo.
Radiookapi.net vous propose un dossier complet pour comprendre les vrais enjeux de ce dossier :
Le conseil d’Afriland First Bank a introduit, mercredi 13 juillet, au tribunal de grande instance (TGI) de Kinshasa/Gombe, une requête en annulation de la décision mettant sa banque sous administration provisoire.
Il a contre-attaqué ce jugement pris, depuis trois semaines, au niveau du tribunal de commerce, après accusation de la Banque centrale du Congo (BCC).
Dans sa requête, le Conseil d’Afriland First Bank a appelé le TGI de Kinshasa/Gombe à condamner la BCC à la réparation des préjudices subis, évalués à environ 2 milliards USD.
Le plaignant a également demandé au tribunal d’ignorer la décision du tribunal de commerce, confirmée par la cour d’appel, ayant désigné les deux administrateurs ad hoc et qui ont, selon ce conseil, les mêmes missions que l’Administrateur provisoire.
Le conseil d’Afriland First Bank bénéficie de l’accompagnement d’un collectif de huit avocats, conduits par Azarias Ruberwa.
De leurs côtés, les avocats de la défense n’ont pas soulevé d’exception, ni contesté la compétence du TGI.
La prochaine audience est fixée au 3 août prochain.
Mission de surveillance
La gouverneure de la BCC, Malangu Kabedi, avait institué, en août dernier, une mission de surveillance rapprochée pour aider Afriland First Bank à corriger ses failles de gestion.
Cette mission devait s’assurer entre autres du transfèrement quotidien des bordereaux de clôture de chaque caisse et ses pièces comptables justificatives de chaque opération.
En outre, toute opération supérieure à 500 000 USD devrait requérir l’avis favorable de la mission de la BCC.
Retrait de l’agrément
C’est au cours de cette mission de surveillance rapprochée que la BCC a retiré les agréments de cinq administrateurs d’Afriland First Bank.
Cette banque privée est ainsi décapitée, ses actionnaires se posant des questions sur la nature de la mission du régulateur, qui gère quasiment seul avec le directeur adjoint.
Depuis la mise sous tutelle d’Afriland First Bank, un comité d’administration provisoire a été nommé à la tête de cette banque.
Il est composé d’un président et six membres ayant reçu mission « d’assurer la gestion courante de la banque et de présenter dans un délai de 180 jours un plan de redressement », indique le communiqué de la BCC.
La banque accuse un besoin financier
Sept mois après, la BCC informe les actionnaires de Afriland que la banque accuse un besoin financier de 90 millions USD.
Cette thèse semblait contradictoire, au regard du rapport publié par la BCC sur la santé du système bancaire du Congo à la fin du premier semestre 2021.
Selon ce rapport, Afriland First Bank était en bonne santé avec des fonds propres estimés à plus de 48 millions USD, contre 30 millions de moyenne qu’exige la BCC.
Des fonds de l’Etat congolais
Le gouvernement congolais a annoncé avoir débloqué 100 milliards de francs congolais, soit à peu près 50 millions USD, pour sauver Afriland Fisrt Bank.
Cette somme, rassure la gouverneure de la BCC, devrait permettre à l’institution bancaire de normaliser ses opérations bancaires.
Par ce geste, le gouvernement voudrait donc éviter à tout prix le scénario de la BIAC, cette banque commerciale tombée en faillite en 2016 et dont l’argent des milliers de clients est toujours bloqué.
La balle est désormais dans le camp du comité d’administration provisoire, dont l’objectif est de préparer un plan de redressement d’Afriland dans un délai de 180 jours.
L’auteur du désastre
La BCC avait trainé le conseil d’Afriland devant le tribunal de commerce le 30 novembre 2021, pendant que son commissaire aux comptes convoquait l’assemblée générale.
Celle-ci avait désigné dix nouveaux administrateurs de cette banque et les avait soumis à l’approbation de la BCC, qui avait, le 14 janvier dernier, agréé six parmi eux.
Ces six s’étaient réunis le 21 du même mois pour démettre le DGA Patrick Kafindo de ses fonctions pour mauvaise gestion et nommer d’autres gestionnaires d’Afriland First Bank.
Chronologie des faits
En 2021, la plateforme africaine des lanceurs alerte sur des opérations criminelles, notamment le blanchiment des capitaux à Afriland First Bank.
Le contrôleur permanent de cette banque, Navy Malela, avait fait savoir que ces opérations avaient commencé en début 2018 lorsque l’homme d’affaires Israélien Dan Gertler avait commencé à fréquenter Afriland First Bank.
Cet épisode se termine par la condamnation des lanceurs d’alerte, Navy Malela et son chef de l’audit qui avaient quitté le pays pour l’exil.
Le 1er juillet 2021, le président du conseil d’administration d’Afriland First Bank Congo avait suspendu à titre conservatoire, le directeur général en place après dénonciation par le commissaire aux comptes, d’un détournement d’un million USD, conformément aux différentes règlementations en vigueur.
Par la même décision, le conseil d’administration avait désavoué le directeur général adjoint et demande à la Banque centrale du Congo de lui retirer l’agrément.
En réponse 24 heures après, la Banque centrale du Congo, autorité de régulation alors dirigée par Deogratias Mutombo, s’opposait et annulait la décision du président du conseil d’administration et lui retirait l’agrément.
Mais elle maintenait celui du DGA désavoué.
En début août 2021, Malangu Kabedi Mbuyi avait pris ses fonctions de gouverneur de la BCC en remplacement de Deogratias Mutombo. Quelques jours seulement après, elle institue, selon la documentation en possession de Radio Okapi, une mission de surveillance rapprochée de Afriland First Bank Congo. Objectif : aider la banque à résoudre ses failles de gouvernance.