Le secrétaire général adjoint de l’ONU en charge des opérations, Jean-Pierre Lacroix a clôturé sa visite de deux jours à Kalemie dans le Tanganyika. Il était question de discuter du retrait de la MONUSCO avec le personnel de la Mission onusienne, les organisations de la société civile et les autorités provinciales. A l’issue de ces échanges, Jean-Pierre Lacroix a précisé que la MONUSCO maintiendra sa présence militaire dans la partie Nord du Tanganyika. Il a aussi promis le soutien de la Mission onusienne à l’armée congolaise. Jean-Pierre Lacroix évoque également la question de la brève incursion rwandaise sur le sol congolais, et donne son avis sur la cohabitation pacifique dans la région des grands lacs.
Interview.
Radio Okapi : M. Jean-Pierre Lacroix, vous venez de conclure votre séjour dans le Tanganyika où la Mission de l’ONU en RDC va se retirer d’ici le mois de juin 2022. Que pouvez-vous dire à cette population qui pense que la MONUSCO a encore un rôle à jouer dans cette partie du pays ?
Jean-Pierre Lacroix : D’abord, je voudrais dire que la MONUSCO se retire d’une grande partie du Tanganyika, mais pas de tout le territoire. J’ai eu l’occasion de le dire que dans la partie Nord, là où il y a encore un problème des groupes armés, sensible, sérieux, la MONUSCO maintiendra une présence militaire et nous comptons travailler avec les FARDC pour apporter une réponse sécuritaire appropriée à cette menace des groupes armés dans le Nord.
Et dans le reste de la province ?
Dans le reste de la province, les Nations unies ne partent pas. Elles resteront, les agences, les fonds… Nous avons discuté ici à Kalemie avec les autorités et la société civile sur les principales priorités sur lesquelles nous allons travailler ensemble. Ces priorités portent sur le renforcement des capacités de l’Etat, notamment en matière de la justice, de la Police, il y a aussi le soutien aux efforts de développement. J’ai mentionné que le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) ouvrirait prochainement un bureau ici dans la province du Tanganyika. Il y a aussi le soutien au désarmement, à l’implication des femmes dans le processus politique, la lutte contre les violences… Nous avons des priorités qui se rejoignent clairement avec les autorités locales et la société civile. Là où il faudra renforcer les capacités pour faire avancer ces priorités, tous les efforts seront fournis pour le faire.
Vous parlez de renforcer les capacités, mais vous savez que la province est gangrenée par le conflit Twa-Bantou. Quels conseils pouvez-vous donner à ces communautés pour une solution pérenne ?
Là, il y a d’abord la partie de la formation des institutions de l’Etat, j’ai parlé de la Police et de la justice, mais nous avons aussi beaucoup parlé des efforts de rapprochement des communautés et des dialogues. Les représentants de la société civile et les autorités nous le disent, il y a des actions déjà engagées dans ce domaine, il faut les poursuivre, les intensifier. Ce sera aussi le rôle des Nations unies dans l’avenir, et c’est pour ça que je donne beaucoup d’intérêts aux représentants des communautés au niveau local, qu’ils soient renforcés en tant qu’interlocuteurs pour avoir leurs places dans ces efforts pour qu’il ait une mobilisation totale des communautés pour résoudre ces problèmes des conflits qui sont effectivement encore très présents.
Après le Tanganyika, vous allez dans l’Est de la RDC. Vous êtes sans ignorer que le Rwanda venait de faire une brève incursion sur le sol congolais, lundi 18 octobre dernier, relançant ainsi la question des relations déjà tendues entre la RDC et ses voisins accusés d’entretenir, à tort ou à raison les groupes armés. Que diriez-vous aux dirigeants de la Région des grands lacs pour une cohabitation pacifique ?
Je suis persuadé qu’une des questions clés des problématiques de sécurité dans l’Est de la RDC c’est le renforcement des efforts aux niveaux régionaux. Le Président de la République d’ailleurs a beaucoup travaillé dans ce domaine, en intensifiant les contacts avec ses homologues de la Région, nous avons [les Nations unies] de notre côté un envoyé spécial pour les Grands lacs avec lequel, la MONUSCO, en particulier Mme Bintou Keita [cheffe de la MONUSCO] travaille étroitement. Ces efforts sont essentiels. Il y a une problématique régionale de mouvement transfrontalier d’armes, des produits ou des biens, souvent issus, malheureusement, de l’exploitation illégale des ressources naturelles. Il y a en réalité des intérêts mutuels, très forts qu’il convient de valoriser et de mettre en lumière. Cette région se développera dans un esprit de coordination et de coopération mutuelles. C’est la voie de l’avenir, et je pense que c’est un des éléments clés de la solution. Nous encourageons ces efforts de renforcement régional sur des questions de paix et aussi sur les questions de développement. Tout ça me parait fondamental.
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