En visite mercredi 24 mars à Kananga, la cheffe de la MONUSCO assure que les Nations unies vont continuer à accompagner le Kasaï face aux défis qui se présentent dans cette région d’où la mission onusienne va se retirer le 30 juin prochain. Bintou Keita explique notamment que certaines composantes de la Mission de l'ONU, comme les Droits de l’homme, vont rester pour appuyer les institutions congolaises dans la lutte contre l’impunité. Cette région du Kasaï a connu des terribles violences en 2016 et 2017 à la suite d’une insurrection réprimée par les forces de l’ordre. De nombreuses violations des droits y ont été commises. Plusieurs centaines de personnes ont été tuées. «Il y a une attente particulière par rapport à la justice transitionnelle», note Bintou Keita. Interview.
Radio Okapi : Vous êtes au terme de votre visite de 24 heures à Kananga. La MONUSCO est en plein processus de retrait du Kasaï. Quel est l’état des lieux de ce processus ?
Bintou Keita : Dépendant à qui vous parlez, l’état des lieux prend des formes différentes. Pour ce qui concerne les autorités à qui j’ai parlé, il n’y a pas d’appréhension particulière sur le départ de la MONUSCO au 30 juin. Par contre, lorsque je me suis entretenue avec la société civile, et plusieurs des partenaires qui accompagnent la province, il y a une inquiétude en ce qui concerne la prise en charge complète des aspects sécuritaires. Mais, en tout cas, une impression qu’avec le départ de la MONUSCO, ça sera très difficile d’être rassuré. Et en relation avec ça, il y a une demande très importante de faire en sorte que l’armée et la police, leurs capacités soient renforcées et qu’elles puissent avoir les moyens de pouvoir véritablement répondre à la préoccupation des citoyens et notamment par rapport à la criminalité urbaine.
Est-ce que la région est prête à accepter le retrait de la MONUSCO ?
Si l’on prend les différents éléments, il y a une appréciation de rassurance de la présence de la MONUSCO mais qui est une relation de dépendance. Donc, si on voit la province et les différents problèmes, les conflits inter communautaires, la question de la stabilité politique, la question de l’insécurité, etc., la question est : est-ce que c’est à la MONUSCO de faire tout cela ou est-ce que c’est à l’autorité de faire tout cela avec l’appui des partenaires. Donc, la continuation du travail de l’appui de la MONUSCO va se faire avec, par exemple, sur les préoccupations de justice, avec la composante Droits de l’homme et Justice, qui va rester ici avec les agences, fonds et programme des Nations unies parce qu’encore une fois il n’y a pas un retrait des Nations unies des Kasaï. Et donc tout le travail qui se fait c’est de voir tous les projets qui sont mis en œuvre par la MONUSCO, par les agences, fonds et programmes, et par les autres partenaires qui vont continuer d’accompagner la province.
En 2016 et en 2017, la région a fait face à de terribles violences. De graves violations des droits de l’homme ont été commise ici. Est-ce que vous vous êtes assuré que le travail contre l’impunité va se poursuivre, malgré le départ de la MONUSCO ?
Le travail contre l’impunité se fait avec les composantes de Droits de l’homme de la MONUSCO et dans leur travail, elles appuient par exemple l’auditorat militaire qui est en train de faire du bon travail et appuient le barreau. D’ailleurs, j’ai été très impressionnée par le travail d’assistance légale et gratuite que fait le barreau ici parce que je les ai rencontrés hier. Ces composantes vont rester pour continuer à accompagner la province. On n’est pas en train de dire tout est terminé lorsque le 30 juin une partie de la MONUSCO s’en va du Kasaï.
Un dernier mot sur les questions de développement et de stabilisation de la région. Comment cela va s’organiser avec les agences et fonds des Nations unies qui vont rester ici ?
Les agences fonds et programmes sont déjà depuis l’année dernière en discussion avec les collègues de la MONUSCO mais aussi avec des partenaires pour voir comment les projets ont été mis en place à petite échelle avec les fonds de consolidation de la paix, par exemple sur l’assistance aux victimes, sur justement l’appui au barreau mais qu’il faut porter à l’échelle de manière à ce que véritablement la population sente une différence de taille sur le résultats et sur l’impact que ces projets ont dans l’accès aux services sociaux de base, un accès amélioré à la justice. Il y a une attente particulière par rapport à la justice transitionnelle et il y a les besoins particuliers en ce qui concerne la sécurité alimentaire, l’amélioration de la nutrition, la santé, l’éducation, enfin tous ces aspects, les agences fonds et programmes travaillent là-dessus. Mais, on va avoir besoin des donateurs pour continuer à appuyer tous ces projets et ces programmes et s’il y a un élément en terme de stabilisation qui est important c’est le renforcement ou la réforme du secteur de sécurité qu’il faut accompagner l’armée et la police pour pouvoir délivrer le travail qui est le leur.
Vous pouvez écouter l'intégralité de cette interview dans cet extrait:
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Propos recueillis par Joël Bofengo.