Antonio Guterres : « La MONUSCO a contribué à éviter le pire en RDC »

Dans une interview exclusive accordée lundi 2 septembre à Radio Okapi, Antonio Guterres, secrétaire général des Nations Unies affirme que la MONUSCO a contribué à éviter le pire en RDC. Il salue un esprit de coopération excellent qui règne désormais entre l’ONU et la RDC.

De son entretien avec le président Felix Tshisekedi, il retient l’existence d’une vraie volonté de mener des réformes afin que la paix revienne et que les richesses congolaises puissent bénéficier à la population.

Le chef de l’ONU évoque au cours de cette interview la révision stratégique pour que la MONUSCO puisse travailler encore mieux pour éradiquer, avec les FARDC, les groupes armés qui écument la partie orientale de la RDC.

Interview

Radio Okapi : vous avez commencez votre première visite depuis que vous êtes secrétaire général de l’ONU en RDC par le Nord-Kivu. Pourquoi le Nord-Kivu ?

Antonio Guterres : Parce que dans cette province, il y a des problèmes très sérieux de sécurité aggravés par la présence des ADF avec leurs attaques terroristes qui sont absolument intolérables et que l’on doit condamner fermement et dont la population est victime. Parce que c’est aussi une province qui est l’épicentre d’une épidémie extrêmement sérieuse et grave, l’Ebola, et qu’il faut combattre en toute efficacité.

Et je voulais démontrer ma solidarité au peuple congolais du point de vue de la sécurité et du point de vue des besoins de développement économique et social et du point de vue de l’action humanitaire, et en particulier le combat contre les maladies qui affligent le peuple congolais : la rougeole, le paludisme, le choléra, mais aussi l’Ebola qui correspond à une menace particulièrement grave à cause de sa facilité de transmission humaine qui peut, à un moment donné, se répandre dans tout le Congo ou même à l’extérieur du Congo et qu’il faut éradiquer.

Je voulais monter toute ma solidarité au peuple congolais et en particulier au Nord-Kivu qui subit tous ces problèmes.

Vous avez été sur terrain et vous avez palpé les réalités de cette province notamment l’insécurité causée par les groupes armés et Ebola. Comment les Nations unies comptent-elles aider la RDC à éradiquer cette maladie.

Il y a une réponse robuste du point de vue de l’OMS et de autres agences des Nations unies, des autorités et des organisations non gouvernementales. J’ai vu des centres de dépistage et de traitement. Il y a tout un travail de prévention qui est fait, il y a des mesures de santé publique qui sont prises. C’est une réponse extrêmement robuste et avec un courage du personnel de santé remarquable. Beaucoup d’entre eux travaillent dans des zones où il y a des attaques et continuent à y travailler.

Quelques-uns ont payé avec leur vie le travail pour l’éradication d’Ebola. Mais il y a des difficultés qui sont réelles, difficultés liées aux mouvements de la population dans la région mais aussi à la question de la sécurité.

C’est pour cela qu’on ne peut pas  voir Ebola d’une façon isolée, il faut le voir dans le contexte que j’espère, et on a beaucoup discuté avec le Président de la République, les autorités congolaise et nos forces elles-mêmes, comment on peut faire pour que la brigade d’intervention soit plus active dans le combat contre les ADF et que la coopération entre la MONUSCO et les FARDC puissent créer des conditions pour une plus grande efficacité dans le combat contre ce groupe qui est la menace la plus sérieuse pour la population du Nord-Kivu.

Malgré la présence des Nations unies ou des forces de la MONUSCO dans cette partie du pays, la paix n’est pas totalement revenue en RDC particulièrement à Beni. Au Nord-Kivu, à cause de l’activisme des groupes armés, principalement les ADF, les Nations unies vont essayer de renforcer la coopération et être plus actives sur terrain. Concrètement, comment cela va se passer ?

J’espère, notamment par des opérations conjointes en tenant compte de toutes les potentialités et de la MONUSCO et des FARDC, qu’on puisse être bien plus efficace dans le combat contre les ADF. Et en même temps, qu’on puisse lancer, ou mieux renforcer, parce qu’elles sont déjà présentes face à d’autres groupes armés, des opérations de démobilisation, désarmement et réintégration qui sont absolument nécessaires pour rétablir la paix et la sécurité dans la région.

Et je fais un appel aux Congolais qui sont dans ces groupes qu’ils puissent regarder ce qui se passe aujourd’hui en RDC. Il y a un vent d’espoir qui souffle et qu’ils comprennent le besoin de se démobiliser, se désarmer et s’intégrer dans les communautés pour participer dans la construction du futur de la RDC.

Rendre la MONUSCO plus utile aux yeux des Congolais, cela veut-il dire que vous reconnaissez que cette mission a eu quelques difficultés pour mener à bien sa mission ?

Toutes les missions ont des difficultés et rien n’est parfait. Je crois que la MONUSCO a fait un travail extrêmement important. Je me demande ce qui se serait passé en RDC si la MONUSCO n’existait pas. D’ailleurs, j’ai eu une expérience très intéressante en parlant avec des personnes qui sont très critiques du travail de la MONUSCO. Je leur ai demandé si on peut partir, ils ont refusé. « Nous sommes critiques mais ne partez pas », ont-ils dit. Ça veut dire que la MONUSCO a contribué à éviter le pire en RDC et je crois que ce qu’il nous faut, c’est améliorer son travail.

Il y a une révision stratégique qui est en cours. J’espère qu’elle puisse nous aider à trouver une façon de travailler encore mieux. Et j’espère qu’un jour, en étroite coopération avec le gouvernement de la RDC, que ça soit possible à la RDC de ne pas avoir besoin d’une mission des Nations unies et avoir les rapports naturels, normaux avec les Nations unies, avec une équipe du pays, comme c’est le cas dans la plupart des pays où, heureusement, les conflits ont déjà été complètement annihilés.

Je dois dire que la réunion que j’ai eue avec M. le Président de la République a été une réunion excellente. Je crois qu’il y a un esprit de coopération excellent d’un côté comme de l’autre.  J’ai été avec le chef d’Etat-major des FARDC, je n’ai aucun doute. On va travailler ensemble pour améliorer à fond notre coopération et être plus efficaces dans tous les domaines.

Qu’est-ce qu’on retient de votre entretien avec le Président Félix Tshisekedi ?

Je crois qu’une volonté profonde de conduire des réformes et des initiatives nécessaires pour faire que la RDC puisse retrouver la paix, et puisse, avec un programme de développement économique, social, des services sociaux de base, créer des conditions pour faire que les richesses énormes du Congo puissent bénéficier à la population.

Quel est l’avenir de la MONUSCO après cette alternance pacifique en RDC ?

Un jour je crois et je l’espère, en étroite coopération entre nous et le gouvernement de la RDC, la MONUSCO finira son travail. Pour le moment, ce n’est pas la question qui se pose. La question qui se pose c’est une révision stratégique pour qu’elle puisse travailler encore mieux. Il y aura naturellement progressivement des ajustements à faire. Ce qui est naturel. Mais je crois que pour le moment le MONUSCO a un rôle à jouer, d’accord avec la volonté du peuple congolais, et qu’il faut améliorer ce rôle pour le bénéfice de tout le monde.

Interview réalisée par Kelly Nkute

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