La deuxième équipe d’experts internationaux sur la situation au Kasaï invite la justice militaire à accélérer le rythme des enquêtes sur les violences enregistrées dans cette région en 2016 et 2017.
Dans son rapport qui sera présenté lors de la prochaine session du Conseil des droits de l’homme de l’ONU (24 juin-12 juillet 2019), elle plaide pour le renforcement de la lutte contre l’impunité par une politique de poursuites judiciaires «mieux orientée».
Cette deuxième équipe d’experts a été mise en place l’année passée pour accompagner la mise en œuvre des recommandations de l’équipe précédente qui avait conclu que certaines exactions commises au Kasaï en 2016 et 2017 constituaient des crimes contre l’humanité ou des crimes de guerre.
Dans son rapport, la nouvelle équipe fait savoir que s’il existe bien une stratégie d’enquêtes et de poursuites, ses contours peuvent être affinés et renforcés.
Les experts internationaux notent notamment que la vaste majorité des dossiers faisant actuellement l’objet d’enquêtes concerne des exactions commises par des miliciens Kamuina Nsapu. Alors que les forces de défense et de sécurité ainsi que des miliciens Bana Mura notamment se sont également livrés à des exactions, font-ils remarquer. L’ampleur de ces crimes ne trouve pas suffisamment écho dans la stratégie de l’auditorat militaire, lit-on dans le rapport.
«Il est donc important que les autorités compétentes adoptent une stratégie d’enquêtes et de poursuites beaucoup plus large, faute de quoi la lutte contre l’impunité dans le Kasaï sera vaine», estiment les experts.
Accélérer les enquêtes et les poursuites
Les experts invitent également la justice militaire à accélérer le rythme des enquêtes et des poursuites, rappelant que certains crimes remontent à près de trois ans.
«Or, l’écoulement du temps dessert la justice pénale, érodant la fiabilité des témoignages (souvent les seuls éléments de preuve disponibles) et augmentant les difficultés d’identifier et de préserver les éléments de preuve matérielle (comme les fosses communes)», détaille le rapport.
Pour l’heure, apprend-on dans le rapport, le seul procès en cours sur les événements du Kasaï est celui des présumés meurtriers des deux experts de l’ONU, Michael Sharp et Zaida Catalán, tués en mars 2017.
En outre, les experts internationaux relève qu’aucune enquête n’est encore diligentée dans l’auditorat militaire supérieur de l’ancien Kasaï-Oriental alors que des crimes graves ont également été commis dans cette région qui comprend les provinces du Kasaï-Oriental, Lomami et Sankuru.
Manque de moyens
Le rapport pointe également le manque de moyens matériels et humains qui ne permet pas à la justice militaire de faire toute la lumière sur les violences que la région du Kasaï a connues.
Les experts déplorent «le caractère dérisoire» des moyens dégagés par l’État et la trop grande dépendance des acteurs judiciaires locaux vis-à-vis des partenaires extérieurs, notamment la MONUSCO.
«De l’avis de l’équipe d’experts internationaux, le manque de ressources est l’un des facteurs qui expliquent l’absence de résultats concrets dans la stratégie d’enquêtes et de poursuites», peut-on lire dans le rapport qui fait notamment état du faible effectif des magistrats militaires.
Dans leurs recommandations, les experts demandent aux autorités congolaises d’allouer «des ressources financières suffisantes ainsi que le personnel, le matériel et la logistique nécessaires afin que la justice militaire au Kasaï puisse enquêter et juger dans des délais raisonnables».