Le 12 mars 2017, deux experts de l’ONU sont tués dans le petit village de Moyo Musuila au Kasaï où ils enquêtaient sur les violences qui déchiraient cette région du centre de la RDC. Deux ans après, où en est le procès des présumés meurtriers de Michael Sharp et Zaida Catalan qui se tient devant le tribunal militaire de Kananga. Pour l’auditeur général de l’armée congolaise qui est à Kananga pour conduire l’accusation, «on a quand même énormément d’éléments depuis que les enquêtes ont commencé». Le général Tim Mukunto considère que Jean Bosco Mukanda, l’ancien témoin vedette devenu accusé, est «l’acteur principal du drame de Moyo Musuila».
Radio Okapi : Le 12 mars dernier, c’était le deuxième anniversaire du meurtre de Zaida Catalan et Michael Sharp. Est-ce que deux ans après, on en sait un peu plus sur ce qui s’est passé ce jour-là à Moyo Musuila ?
General Mukunto : On en sait quand même un peu plus étant donné que nous avons une idée plus ou moins précise des séquences qui ont conduit à la mort des deux experts : l’embuscade au pont Moyo, le tribunal ou le conseil qui a siégé chez Bula Bula, le départ de chez Bula Bula en sens inverse comme s’ils retournaient vers le pont Moyo mais ils arrivent au niveau du dalo et ils prennent la direction du lieu d’exécution. Nous savons mettre des noms sur certains personnages qui apparaissent sur la petite vidéo [de l’exécution]. Nous avons les déclarations de la personne qu’on voit couper les mèches de cheveux de Zaida [Catalan]. Nous avons les noms des acteurs principaux qui étaient à Moyo Musuila. Nous avons une idée de l’origine de cette frange de la milice qui s’est retrouvée à Moyo Musuila. Nous savons que la milice regroupée à Moyo Musuila qui venait de partout était là avec objectif de briser le verrou de Bunkonde mais que ce 12 mars la milice a été excitée contre les experts qui ont été présentés comme des espions et leurs accompagnants congolais comme des militaires des FARDC. Vous voyez qu’on a quand même énormément d’éléments depuis que les enquêtes ont commencé.
Vous dites que les miliciens qui étaient à Moyo Musuila ont été excités. Est-ce que vous savez qui a excité ces miliciens ?
Selon ce que disent les acteurs tels que Manga Vincent, Ilunga Lumu, Bula Bula, il y a eu un coup de fil. Un coup de fil que Bula Bula attribue aux gens de Kananga, que Manga Vincent attribue à Jean Bosco [Mukanda], qu’Ilunga Lumu Evariste attribue à Jean Bosco. Donc, ce qui reste constant ce qu’il y a eu un coup de fil qui est arrivé auprès des miliciens qui étaient regroupés à Moyo Musuila.
Jean Bosco Mukanda est passé du statut de témoin vedette à celui de principal accusé. Selon vous, quel rôle il a joué dans le meurtre des experts de l’ONU ?
Jean Bosco Mukanda me semble être l’acteur principal du drame de Moyo Musuila. On le retrouve en amont, on le retrouve au centre et on le retrouve en aval. En amont, dans la mesure où c’est lui qui était en contact avec des gens qui étaient à Kananga. Également en amont parce que c’est lui qui aurait- je dis bien qui aurait parce que c’est le verdict qui nous le précisera- incité les miliciens qui étaient à Moto Musuila. Au centre, parce qu’on le retrouve sur le lieu d’exécution. C’est lui qui dote les miliciens des munitions des calibres douze. Sur la vidéo, on entend clairement sa voix donner des ordres au lieu d’exécution. Et en aval, selon les déclarations de Manga Vincent, c’est lui qui explique un peu aux miliciens réunis au tshiota les bien-fondés de l’acte qu’ils venaient de poser, qui allait leur ouvrir un avenir meilleur où ils seraient récompensés avec des biens matériels. Et, toujours en aval, on le trouve très actif après le meurtre des experts. Il apparait comme celui qui renseigne. En réalité, il se déploie pour essayer d’effacer les traces. Donc, pour moi c’est le principal acteur et celui qui pourrait éventuellement nous conduire, si cette personne ou certaines personnalités existent, aux personnalités qui, à Kananga ou ailleurs, lui auraient donné l’ordre de faire exécuter les experts.
Un autre dossier est encore en instruction au niveau du Parquet. C’est celui du meurtre des accompagnateurs congolais. Comptez-vous le présenter bientôt au tribunal ?
Très bientôt, nous allons présenter l’ensemble des personnes mêlées à cette affaire devant le tribunal. Comme vous le savez, on a commencé avec le dossier en rapport avec le meurtre des experts qu’on a dû interrompre pour intégrer le mécanisme de Monsieur Robert Petit [procureur canadien nommé par le secrétaire général de l’ONU pour diriger l’équipe d’experts qui appuient l’enquête de la justice congolaise, ndlr] aux enquêtes. Et nous avons ouvert un autre dossier s’agissant de la disparition des accompagnants congolais. Mais je vous dis que dans les jours qui suivent, nous allons saisir le tribunal pour l’ensemble du dossier.
Que promettez-vous aux familles des victimes ?
La seule chose que je peux dire aux familles des victimes ce que je m’emploierai. Et je m’emploie déjà avec le concours de l’équipe de Monsieur Robert Petit à mettre en œuvre tous les moyens en ma disposition pour essayer de découvrir la vérité. C’est la seule promesse. Je ne peux pas leur garantir le résultat. Mais je leur garantis la mobilisation, la mise en œuvre de tous les moyens humains, techniques avec le concours de l’équipe de Monsieur Robert Petit pour que le voile soit levé sur le drame de Moyo Musuila du 12 mars 2017.
Propos recueillis par Joel Bofengo.