Sindika Dokola, coordonateur du mouvement citoyen Les Congolais debout estime qu’avec la machine à voter la RDC est « en train de courir au désastre ». Pour lui, la machine à voter est illégale et n'offre pas de crédibilité. Elle doit donc, selon lui, être éliminée et retourner au vote qui est prévu par la loi électorale, c'est à dire un vote papier normal.
Entretien.
Sindika Dokolo, i n'y aura pas de troisième mandat pour Joseph Kabila, il a désormais un dauphin. Au sein des organisations et mouvements citoyens, êtes-vous satisfaits?
Ecoutez, satisfait, c'est un grand mot parce qu'il ne s'est contenté que de respecter la loi. Je ne sais pas s'il faut lui rendre absolument hommage. Nous en tout cas, les mouvements citoyens, nous avons pris acte et nous rendons hommage au peuple congolais qui, par son engagement a empêché que cette constitution puisse être violée. Nous voudrions donc rendre hommage à nos martyrs, les Rossy, Dechade, Luc, ...plutôt que de rendre hommage au Président de la République qui n'a fait que respecter la constitution.
Donc vous voulez dire par là que c'est juste une étape qui a été franchie?
Absolument. Ce qui est en cause et ce qui est en jeu aujourd'hui c'est le droit sacré des Congolais à choisir leurs dirigeants. Et on se rend compte que l'annulation de ce danger qui était le troisième mandat n'est qu'un des éléments qui pourrait contribuer à respecter ce droit et obtenir le 23 décembre prochain de bonnes élections. Je vous rappelle qu'aujourd'hui la question de l'inclusivité de tous les candidats est l'un des grands enjeux. Il est vrai qu'on est en train de parler maintenant de l'invalidation de certaines candidatures ; ce qui est parfaitement scandaleux. Il faut ajouter à cela cette situation de Moise Katumbi qui a été empêché de venir se présenter, ce qui était son droit le plus légitime. De même le droit de M. Jean-Pierre Bemba de se présenter aux élections est encore inaliénable. Et ça, ce sont des combats qu'il faut mener.
C’est comme si vous voulez reprendre des activités de mobilisation. Est ce encore opportun?
Je pense qu'il faut surtout être vigilent. Aujourd'hui, M. Nangaa et M. Kabila doivent comprendre que le vent de l'histoire a tourné et qu'il est temps de se plier à la volonté populaire et à la constitution qui nous régit. Il faut absolument qu'ils retirent leurs machines à voter, qu'ils garantissant que le fichier électoral est fiable et crédible de manière à ce que nous ayons de bonnes élections.
Évidemment s'ils continuaient à s'entêter dans la voie qui est la leur jusqu'ici, il est évident qu'ils s'exposeraient à de nouvelles réactions populaires.
Êtes-vous sûrs que le peuple sera toujours avec vous?
Nous, nous sommes des mouvements citoyens, nous nous mettons au service de la collectivité. Nous n'avons pas d'ambitions politiques. A ce titre là, nous allons continuer le travail de conscientisation. Et cette déclaration commune de la société civile, il faut rappeler qu'il s'agit de 250 organisations différentes de la société civile, très représentatives de la population et de l'opinion congolaise à l'heure actuelle, elle se veut une mise en garde aux autorités en disant : attention le peuple est réveillé, le peuple est conscient et le peuple s'assumera. Il n'y aura pas un nouveau glissement qui sera accepté, il n'y aura pas des machines à voter qui seront imposées aux Congolais.
Reprenant cette question des machines à voter, qu'est ce que vous craignez?
La machine à voter, d'abord elle est illégale. Ensuite, elle n'offre pas de crédibilité, elle doit être éliminée. Et il faut retourner au vote qui est prévu par la loi électorale, c'est à dire un vote papier normal.
Si on veut revenir au bulletin, est ce qu'on ne va pas perdre du temps? Est ce qu'on aura toujours les élections le 23 décembre, selon vous?
Il ne s'agit pas de la question de perdre le temps. Ce qui est en cause c'est la crédibilité de nos élections, ce que nous avons de plus important dans une démocratie, c'est la légitimité et la crédibilité de nos représentants.
Qu'est ce que vous attendez du gouvernement congolais qui est se dit déterminé à aller aux élections avec cette machine à voter ?
Le gouvernement congolais n'est pas au dessus de la loi. On se rend bien compte qu'avec la machine à voter on est en train de courir au désastre. Parce qu'effectivement dans un environnement dans lequel le travail est fait de manière médiocre, c'est-à-dire un fichier électoral dans lequel il y a plus ou moins dix millions d'électeurs qui n'ont pas d'empreintes digitales, qui potentiellement sont des électeurs fantômes qui pourraient venir brouiller les résultats ou influencer de manière déterminante des résultats des élections, il n'est absolument pas envisageable qu'on fasse des élections avec cette machine à voter.
Sindika Dokolo, on vous suit à travers le monde. L'opinion pensait vous voir parmi les candidats Président de la République en RDC, pourquoi vous vous n'êtes pas présentés?
Je pense que ce n’est pas le rôle de la société civile. Je ne sais pas pourquoi tout le monde pense qu'être membre et acteur de la société civile c'est moins bien qu'être politicien. Le Congolais debout est un des acteurs qui aujourd'hui est en train de contribuer à renforcer cette culture citoyenne, mais au même titre que beaucoup d'autres. Les jeunes activistes, les LUCHA, Filimbi, et d'autres personnes qui sont là. Je considère cela comme un enrichissement et quelque chose de positif.
La société civile et les mouvements citoyens militent pour l'alternance au pouvoir. C'est un même langage que l'opposition. Peut-être que vous soutiendrez plus tard le candidat unique de l'opposition?
Ce n'est pas le rôle de la société civile. Nous par exemple au niveau de Congolais Debout, nous acceptons la diversité d'opinions politiques et d'appartenance politique. Nous nous battons pour avoir de vraies élections.
Propos recueillis par Jacques-Yves Molima.
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