« Apéroésie », contraction d’apéro et de poésie, est un concept nouveau dans les milieux de la culture de Kinshasa. Un salon littéraire inauguré vendredi 21 juillet dernier avec pour ambition de promouvoir les œuvres littéraires et artistiques.
Pour la première édition d’ «Apéroésie », Le Bictari, recueil de poèmes de 156 pages a été présenté à l’assistance. Une œuvre riche, produite et autoéditée en 2015 par Yolande Elebe Ma Ndembo, poétesse et chroniqueuse sur Radio Top Congo.
Le Bictari traite de sujets aussi variés que l’amour, l’immortalité de l’âme, la représentation de la femme dans la société africaine mais aussi des conditions des vies dans un Congo marqué par des violences meurtrières ces dernières décennies.
Autour de l’auteure se construit une communauté des poètes, mais surtout des poétesses qui se sont prêtées volontiers à la lecture des trois poèmes sur fonds des notes musicales d’une guitare acoustique jouée en live.
L’un des moments émouvants de la soirée est arrivé avec la lecture par l’auteure elle-même du « Bictari », poème éponyme du recueil. Extrait :
Pas de prose, pas de vers
Ne me parlez pas de tout ca
Parlez-vous de l’injustice
Parlez-moi de la peine
Parlez donc de ces politiciens sans vision
Mais pleins d’ambition
Parlez-moi de l’ignorance, de l’intolérance
De la haine qui monte un frère contre son frère
L’un supplicie un activiste
Le traitant de « subversif »
L’autre tabasse son compatriote
Le traitant de « collabo »
Parlez-moi de l’homme en bleu ou kaki
Celui qui tire aveuglement,
Frappe et gaze tout ce qui bouge
Il appelle cela « le sens du devoir »
Mais il oublie que le soir
Une fois son uniforme enlevé
Il n’est pas différent de l’autre
Il est comme l’autre
Celui dont il vient de briser le destin
Par un simple clic sur la gâchette
Ou à la force de ses poings
Pourtant,
Il avait comme lui
Les mêmes aspirations
Les mêmes rêves
La même patrie
La même galère…
Parlez-moi de ce vaillant soldat
Valeureux combattant, arme à la main
Père de futurs orphelins
Il tombera sous des balles étrangères,
Défendant ce drapeau dont il était fier
…
« Le Bictari est un mot que j’ai appris auprès de mon défunt père qui fut journaliste et écrivain. Lorsque je lui en demandais l’explication il se contentait de me dire : ‘ma fille tu comprendras quand tu seras grande’. Finalement, le Bictari est la plume avec laquelle j’écris. Au Congo, le mot BIC est est souvent utilise pour désigner le stylo en référence à la marque française. Bictari, c’est simplement mon stylo dont l’encre a tari. Il désigne aussi mon style d’écriture. Tout ce que j’écris vient du plus profond de moi, de mes tripes, au-delà de la technique », explique Yolande Elebe Ma Ndembo.
Le prochain rendez-vous d’Apéroésie est pris pour le mois de septembre.