Dans un communiqué publié le 13 septembre à Bruxelles, le président de l’UDPS, Etienne Tshisekedi a annoncé la fin des pourparlers entre ses émissaires et ceux du PPRD, le parti présidentiel, sur l’éventualité d’un dialogue qui baliserait la voie à des élections crédibles.
Le secrétaire national de l’UDPS affirme que malgré cette rupture, son parti reste intéressé par le dialogue. Il explique en détails dans cette interview les causes de l’échec des pourparlers.
Nous avons appris que l’UDPS a eu des pourparlers secrets avec des émissaires de Joseph Kabila en Europe. Confirmez-vous la tenue de ces pourparlers informels ?
Oui, il y a eu des pourparlers. Nous avons toujours confirmé ça. Il n’y avait aucun problème avec ça.
Ces discussions ont tourné autour de quoi ?
Le but était d’avoir une pré-discussion avant le dialogue. Le dialogue, on voulait –nous le voulons toujours d’ailleurs- qu’il se tienne en une dizaine de jours, avec des thèmes bien précis, un format défini à l’avance. Il y avait le fameux débat sur la participation ou pas de la communauté internationale. Vous savez que l’UDPS donnait cela comme condition sine qua none. Il fallait discuter de tout ça. Nous, nous pensions que cela ne devait pas prendre deux mois comme c’est le cas maintenant. C’est après avoir constaté qu’on nous menait en bateau par nos amis d’en face que nous avons décidé de quitter la table de discussions. Parce que nous étions d’accord sur l’essentiel mais pourquoi est-ce qu’on ne concluait pas. Nous avons compris que les amis étaient là pour nous distraire. D’autant plus que pendant que nous avions une ambiance bon enfant, tout se passait très bien, là-bas à Kinshasa, le pouvoir était en train de mettre des embûches sur la voie vers un règlement pacifique de la crise politique. Nous avons compris qu’il pratiquait la stratégie du Talk and fight, on parle et on combat. Ça nous n’acceptons pas. Nous avons donc décidé de nous retirer.
Quel type d’embûche le pouvoir était en train de mettre en place à Kinshasa ?
Il y en a plein. La dernière que je peux vous donner en exemple, c’est la sortie de la Cour constitutionnelle. Là encore on voit que cette institution est un instrument aux mains du pouvoir de M. Kabila. Or, cela ne peut pas favoriser ce que nous recherchions à travers toutes nos rencontres ayant eu lieu à l’extérieur. Nous recherchions de baliser la voie vers un processus électoral qui soit crédible, acceptable par tous et favorable à un climat apaisé dans lequel se déroulerait des élections libres et démocratiques pour ainsi assister à une alternance démocratique : le départ de M. Kabila et l’entrée du nouveau président élu. Tout ça est en train d’être saboté. D’une main, on négocie. De l’autre, on sabote. On a compris que nos amis ne jouaient pas franc-jeu. Et nous avons décidé de nous retirer.
Quels sont les points sur lesquels vous ne vous êtes pas mis d’accord ?
Nous étions d’accord sur l’essentiel.
L’essentiel, c’est quoi ?
L’essentiel sur le processus électoral. Les détails sur lesquels nous étions d’accord : la médiation internationale, le format, la thématique, le lieu de réunion. Sur ça, on était d’accord. Mais nos amis avaient proposé un partenariat qui ne nous enchantait pas. Nous avons compris qu’il voulait que nous soyons comptables de leur échec du fait qu’ils ne soient pas capables d’organiser les élections dans les délais constitutionnels. Et ça c’est inacceptables pour nous. Et c’est ce qui justifie notre retrait. Nous n’allions pas à ce dialogue pour favoriser un glissement. Nous voulons d’un dialogue pour baliser la voie vers des élections libres et démocratiques ; et acter ainsi l’alternance démocratique.
Est-ce qu’à ce stade, on peut dire que c’est fini. Vous n’allez plus vous retrouver. L’espoir est perdu?
En ce qui concerne le pré-dialogue, c’est fini. Pour le dialogue, nous restons toujours intéressés par cette idée parce que nous pensons que c’est la voie la meilleure pour parvenir à un règlement pacifique de la crise politique qui sévit dans notre pays depuis le hold-up électoral de 2011. Nous restons toujours sur cette position du dialogue. Et nous nous tournons d’ailleurs vers la communauté internationale que nous avons saisie dès le début. Dès le départ, nous lui demandions de s’impliquer davantage. Des fois, nous avons reçu des réponses du genre : ‘’Faites-le d’abord entre acteurs politiques congolais.’’ Mais nous avons la preuve ici, lorsque les Congolais se retrouvent entre eux, il y a toujours un esprit de duperie. Voilà pourquoi nous demandons à la communauté internationale de prendre ses responsabilités.
Vous étiez d’accord sur le format et pas sur le fond ?
Le fond restait à discuter au dialogue. Mais lorsqu’on nous pose ce problème de fond de manière sournoise, de manière à nous piéger-alors que nous n’avons pas encore abordé le fond- nous avons compris qu’il n’y avait rien à attendre de nos amis, qu’ils n’étaient sûrement pas de bonne foi.
Qui est habilité à parler au nom de l’UDPS ?
Vous m’avez appelé et vous m’avez posé la question sur mon parti, je dois répondre. Je ne crois pas qu’avant d’ouvrir la bouche, je dois d’abord courir voir le président ou le secrétaire général pour demander l’autorisation de parler. Nous avons au sein du parti une instance officielle habilitée à parler. Il y a le porte-parole du parti, M. Bruno Tshibala.
Mais à partir du moment où un communiqué du parti devient officiel, c’est à vous les médias d’appeler qui vous voulez au sein du parti pour qu’il le commente. Là ce que je fais, ce n’est que commenter un communiqué. Je ne suis pas en train de donner un communiqué officiel du parti. Je commente le communiqué.
Le président n’a mandaté personne pour engager le parti, semble-t-il.
Quand vous lisez le communiqué, le président déclare qu’il a demandé aux délégués de se retirer. Ils étaient bien mandatés. Je n’entre pas dans cette polémique totalement bête et inutile. Le président était au courant de A à Z. C’est avec son autorisation que cette délégation a été nous représenter à ces discussions. C’est aussi avec son quitus qu’elle s’est retirée des discussions.
Quelle leçon peut-on tirer de ce pré-dialogue ?
La leçon est que tant que ce pouvoir sera là, la meilleure façon de dialoguer, c’est par intermédiaire c’est-à-dire avec une facilitation internationale. Entre nous Congolais, la confiance ne règne pas. Et surtout, on n’est pas capable d’avancer sur des sujets sérieux. Donc, il nous faut forcément une facilitation.
Propos récueillis par Jeff Ngoy.
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