Evariste Boshab, ancien président de l’Assemblée nationale et professeur de droit, vient de publier Entre révision de la constitution et l’inanition de la nation. La parution de ce livre aux éditions Larcier et sa présentation mercredi 19 juin à Kinshasa a suffi pour lancer la polémique en RDC. Et faire surgir des craintes sur une éventuelle tentative de révision de l’article 220 de la constitution. Une disposition -portant sur le nombre, la durée des mandats du président et la forme de l’Etat- réputée irréformable. Activistes des droits de l’homme et universitaires montent déjà au créneau pour lancer des alertes.
Selon la description qu’en fait l’auteur sur le site internet de l’éditeur, ce livre est une « porte ouverte sur l’avenir afin que la Constitution ne puisse se scléroser ». Evariste Boshab anticipe même ce qu’il qualifie de « passions et réactions inexplicables » que suscite, selon lui, toute évocation de la révision constitutionnelle en Afrique subsaharienne. En Afrique, estime-t-il «la Constitution acquiert le statut d’une citadelle imprenable et pourtant les fortifications ne sont pas éternelles, avance-t-il. Elles sont toujours à refaire pour tenir compte de l’effet corrosif du temps sur tous les monuments».
Dans la même note de description du livre, l’auteur, qui est aussi l’actuel secrétaire général du PPRD, le principal parti de la majorité au pouvoir prévient :
« Cet ouvrage est un outil critique des théories sur le pouvoir constituant et le pouvoir de révision, mais aussi un instrument prospectif, eu égard à la rétivité des dirigeants africains difficilement conciliable avec l’impératif de la primauté du droit en démocratie.
S’invitent ainsi plusieurs interrogations qui, sans avoir trouvé des réponses définitives, ont néanmoins l’avantage d’inciter à la réflexion face au fétichisme et aux incantations magiques qui meublent les Constitutions africaines, particulièrement celle de la République démocratique du Congo ».
Des paroles qui ne rassurent guère l’Asadho (Association africaine pour la défense des droits de l’homme), l’une des plus actives ONG des droits de l’homme du pays. Jeudi 27 juin, cette organisation a invité le président Kabila, réélu en novembre 2011 pour un deuxième mandat de 5 ans, à « ne pas appuyer les initiatives de certains cadres de la majorité présidentielle tendant à modifier l’article 220 de la constitution ».
Cet articule stipule:
“La forme républicaine de l’Etat, le principe du suffrage universel, la forme représentative du gouvernement, le nombre et la durée des mandats du Président de la République, l’indépendance du pouvoir judiciaire, le pluralisme politique et syndical, ne peuvent faire l’objet d’aucune révision constitutionnelle.
Est formellement interdite toute révision constitutionnelle ayant pour objet ou pour effet de réduire les droits et libertés de la personne ou de réduire les prérogatives des provinces et des entités territoriales décentralisées”.
Jean-Claude Katende, président de l’Asadho estime que si la majorité au pouvoir veut renforcer la démocratie, elle doit cesser de penser à donner au président Kabila un autre mandat mais plutôt commencer à préparer une autre personnalité de la majorité pour la présidentielle de 2016.
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L’Asadho invite par ailleurs les Congolais à recourir à « tous les moyens démocratiques » pour s’opposer à une tentative de révision de l’article 220 et appelle la communauté internationale à « exercer des pressions » sur les autorités congolaises pour faire échouer tout projet de révision de cette disposition constitutionnelle.
«L’ouvrage d’Evariste Boshab énerve la nation»
«L’ouvrage d’Evariste Boshab énerve la nation, la faculté ainsi que la science du droit de par son titre. Il dit entre révision de la constitution et l’inanition de la nation. C’est comme s’il veut dire ou on révise la constitution ou la nation va mourir», tempête André Mbata Mangu qui enseigne le droit dans la même faculté qu’Evariste Boshab à l’Université de Kinshasa (Unikin).
Lors d’une conférence académique tenue mercredi 19 juin à l’Unikin, le professeur Mbata a déclaré que le livre d’Evariste Boshab contient plusieurs hérésies notamment celle qui tend à affirmer que la révision constitutionnelle peut être totale alors que «la majorité dans la doctrine soutient qu’une révision constitutionnelle ne peut être que partielle».
Ce qui fait dire à cet enseignant que « l’ouvrage de Boshab veut servir d’argument scientifique à ceux qui veulent réviser la constitution mais malheureusement cet argument est minable ».
«Je ne peux que conseiller au chef de l’État de ne pas suivre cette voie là », conclut-il.
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