Augustin Matata Ponyo : «Les fonctionnaires de l’Etat, les militaires, les policiers sont satisfaits»

Le Premier Ministre de RD Congo, Matata Ponyo et le membres de son gouvernement lors d’une conférence de presse le 14/2/2013 à Kinshasa, après son voyage de travail aux USA/ Photo John Bompengo

Le Premier ministre Augustin Matata Ponyo a totalisé une année dans ses fonctions de chef du gouvernement le jeudi 18 avril 2013. Dans les lignes qui suivent, il évalue le travail qu’il a effectué les douze derniers mois. Augustin Matata Ponyo s’attribue une cote de plus de 7 sur 10 et estime que « les fonctionnaires de l’Etat, les militaires, les policiers sont satisfaits » de sa politique.

Radio Okapi : Monsieur le Premier ministre, ce jeudi 18 avril vous avez totalisé un an dans vos fonctions. Combien vous coteriez-vous sur 10 et comment pourrez-vous justifier cette cote ?

Augustin Matata Ponyo : Il serait élogieux de s’attribuer une cote excellente parce qu’on ne peut pas se coter soi-même. Il serait indiqué que ça soit ceux qui nous voient travailler de donner la cote. Mais si vous me forcez à faire cet exercice, en toute honnêteté professionnelle je ne me donnerai pas moins de 7 sur 10. Lorsque je vois les résultats qui ont été obtenus, je pense que par rapport aux objectifs que le gouvernement s’est assignés nous avons atteint des performances qui nous permettent de dire qu’on a acquis une cote au-delà de 7 sur 10.

L’une des grandes critiques formulées contre vous est que vous vous vantez beaucoup de la stabilité du cadre macroéconomique mais cela ne se sent pas dans le vécu quotidien du Congolais. Etes-vous mal compris ou c’est votre explication de notion de la macroéconomie qui est mal donnée ?

Je crois que quand on est professionnel, on ne peut pas tomber sous la vague de rumeurs, des médisances, des colportages. Quand on est professionnel, on regarde les choses froidement. On ne doit pas oublier que dans ce même pays on a vécu l’hyperinflation. Et tout le monde sait, pour ceux qui sont honnêtes, que la décadence économique dans laquelle nous nous trouvons est due notamment à l’existence de l’hyperinflation. Quand il y a la valse des prix, la valse des étiquettes on ne sait pas faire le commerce. On ne sait pas programmer, on ne sait pas anticiper. C’est très beau pour ceux qui parlent de cette manière là parce que eux perçoivent en dollar, ils ont des rentes. Mais le Congolais moyen, le fonctionnaire de l’Etat, celui qui touche aujourd’hui son salaire à partir du 15 de chaque mois, celui qui touche son salaire en franc congolais tout en ayant la stabilité des prix, le militaire, le policier, les enseignants qui hier leurs salaires subissaient des prélèvements intempestifs touchent [maintenant] à la banque et sont satisfaits.

Puisqu’il y a le décalage entre la stabilité du cadre macroéconomique et le social des Congolais, le décalage qui semble remettre en cause votre action. Que faire pour relever le défi ?  

Peut-être qu’on ne se comprend pas. Il n’y a pas de décalage entre la stabilité et le social. Lorsque le président Kabila accédait au pouvoir en 2001, un fonctionnaire de l’Etat touchait 10 dollar, un professeur de l’université n’avait même pas 100 dollars. C’était entre 30 et 50 dollars par mois. Et ce salaire là était touché de manière irrégulière, à l’improviste. Aujourd’hui combien touche un fonctionnaire ? Bien sûr c’est encore bas mais ce n’est pas 10 dollars. Mais c’est régulier. Combien touche un professeur d’université ? C’est vrai, ce n’est pas encore à la hauteur d’un professeur d’un pays développé.

Lorsque vous dites que le social n’est pas compatible, laissez-moi vous dire : lorsqu’on achète des bus pour que des Congolais qui circulent dans des bus corbillards soient transportés de manière digne, ce n’est pas du social ? Nous avons donné au ministre de l’Enseignement primaire 40 milliards de francs congolais. Moi-même, je suis allé jusqu’à Kimbanseke [Ndlr : l’une des communes les plus défavorisées de Kinshasa] pour lancer le programme national de construction de 400 écoles. Et avant la fin de l’année, nous allons donner 100 milliards de francs congolais pour construire plus de 1 200 écoles en une année. Ce n’est pas du social ? Lorsque nous lançons un programme ambitieux de construction, de réhabilitation des centres de santé, des zones de santé, des hôpitaux généraux. Lorsque nous mettons en œuvre un programme de réunification routière. Ce n’est pas du social ? Il ne faut pas tomber dans le piège de ceux qui veulent toujours que notre pays rentre en arrière. Il n’y a pas de déconnexion entre le social et la stabilité. C’est faux.

M. le Premier ministre, on vous reproche beaucoup d’appliquer la politique de l’austérité dans votre gestion. Qu’en dites-vous ?

Dites moi : avez-vous vu une invention qui se fait dans le brouhaha ? Moi je n’en connais pas. Avez-vous vu une salle de classe enseigner dans le bruit ? Je ne connais pas. Avez-vous vu une grande université qui fait des théâtres pendant les cours ? Non. Tout se fait dans la discipline, dans l’ordre, dans l’organisation. Tout se fait dans la rigueur. Cette rigueur là qu’on nous reproche, ce n’est pas la population qui nous reproche. La population veut la rigueur. Allez demander aux enseignants, ils vous diront qu’ils sont contents de cette rigueur parce que leur salaire est payé régulièrement.

Quelqu’un qui a un petit marché pour lequel il fournit en concurrence de 1 millions de dollars, on lui donne 10 millions de dollars. Qui perd ? C’est le Congolais qui perd. Qui profite ? C’est le fameux opérateur économique avec des surfacturations. C’est fini cette histoire.

Les députés qui vous en voulaient dans leur motion de censure vous reprochent la violation de la loi budgétaire notamment le réaménagement et la rectification du budget sans l’aval de l’Assemblée nationale.

Je ne voudrais pas faire de la polémique sur cette question. Nous avons beaucoup de respect pour l’Assemblée nationale et le Sénat et l’ensemble des institutions de la république. Tout ce que je peux vous dire sur cette question est que nous travaillons pour le bien de la communauté. Nous travaillons pour que ce pays avance. Le budget est une prévision. Entre les prévisions et les réalisations, il y a un pas.

Votre gouvernement ferme les yeux devant la corruption, dit-on. La justice est impuissante devant une catégorie de personnes devenues intouchables. Elle est même devenue très corruptible. Et tout cela retombe sur vous.

Le gouvernement est une institution. La justice est une autre institution. Nous sommes conscients des remarques faites par les uns et les autres mais nous devons travailler tout en respectant les exigences démocratiques qui veulent que la justice soit indépendant.

L’eau et l’électricité demeurent un grand défi. La paix dans le Nord-Kivu est toujours hypothétique. Les Maï Maï empêchent les gens de dormir tranquillement. Cela vous gêne-t-il ?

Ça ne me gêne pas me ça me préoccupe parce que la sécurité fait partie des objectifs d’un gouvernement. L’électricité, l’eau font partie des indicateurs clés de la vie sociale. Nous sommes en train d’y travailler. Quand on plante les graines de maïs, on ne peut pas récolter le même jour même si on est un savant, même si on est un pays développé comme les Etats-Unis. Les problèmes de sécurité ne peuvent pas se terminer en un seul jour. Le plus important est que le gouvernement est conscient de ce problème et y travaille.

Concernant l’eau et l’électricité, j’ai déjà tenu des réunions pour discuter de cette problématique. C’est un défi énorme. Mais le plus important est que nous y travaillons. Lorsque quelqu’un est à -15 et qu’il monte à -10 n’a-t-il pas progressé ? Certains dirons qu’il n’a pas progressé parce qu’il est toujours en dessous de zéro. Mais un bon mathématicien vous dira qu’il est plus proche qu’il n’était auparavant. Nous sommes dans un processus aujourd’hui. Les spécialistes disent que la RDC progresse mais vu le retard dans lequel on était, on a l’impression de ne pas progresser pour ceux qui ne veulent pas voir le progrès de ce pays. Nous n’avons réalisé que douze mois de travail. Nous n’avons pas l’ambition de dire que tout a été fait. Non, bien au contraire. Ce n’est pas un travail qui va se réaliser en 5 ans. C’est un travail qui doit s’étaler sur 30, 40, 50 ans.

Vous amorcez un nouveau virage dans votre mandat. Vous lui donnez quelle configuration ?  

C’est un mandat que nous consacrons au social. Nous avons passé une année harassante. J’ai été ministre des Finances, je m’occupais d’un secteur. C’était très difficile mais c’était moins compliqué. Etre chef du gouvernement, c’est à la fois difficile et complexe. Mais nous avons vaincu l’instabilité du cadre macroéconomique. L’année 2 du gouvernement Matata sera consacrée au progrès social, la fondation ayant déjà été posée.

Interview réalisée par Innocent Olenga.